VIES DE MEDECIN

Patrick René-Corail : aux petits soins pour la santé martiniquaise

Publié le 25/06/2015
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Une thèse parachutéeLa thèse de médecine du Dr René-Corail porte sur la traumatologie de la chute...

Une thèse parachutéeLa thèse de médecine du Dr René-Corail porte sur la traumatologie de la chute...
Crédit photo : DR

Chef de service de médecine physique et de réadaptation et chef de pôle neurosciences appareil locomoteur au CHU de Martinique, le Dr Patrick René-Corail pourrait être aujourd’hui un jeune retraité de l’Éducation nationale profitant de la douceur de vivre martiniquaise. Mais ce n’était définitivement pas dans son caractère. Son amour pour la science puis pour la médecine a eu raison de son parcours initial, qu’il définit lui-même comme « un peu atypique ».

Né en 1952 à Fort-de-France, Patrick René-Corail vit son enfance en Oubangui Chari (Centre Afrique), où ses parents ont émigré. A l’âge de 15 ans, il rentre en Martinique, passe un bac littéraire suit une première année de droit, devient maître auxiliaire mais sent que sa vocation n’est vraiment pas là. Il part à Paris, pensant préparer l’école des Ponts-et-Chaussée. S’il veut intégrer cette prestigieuse école d’ingénieur, il doit recommencer tout son parcours de lycéen en filière scientifique ! Un peu dépité, mais pas découragé, il se rend au CIDJ du quai Branly, s’interrogeant dans le même temps sur une carrière militaire. Après une batterie de tests, d’évaluations, un conseiller bien éclairé lui parle alors d’une expérimentation en cours à Kremlin-Bicêtre pour faire médecine quelle que soit la filière du bac obtenu, à condition bien sûr d’effectuer une remise à niveau scientifique. Nous sommes en 1971 : Patrick René-Corail s’inscrit donc au programme « MP zéro » à Orsay.

Un drôle de primant

« Nous étions 125 bacheliers littéraires dans un amphithéâtre de 800 étudiants pour 165 places disponibles en deuxième année. » Il se passionne pour la biochimie enseignée par le professeur Étienne-Émile Baulieu. Son livre de chevet est le Lehninger, la bible de la biochimie. Malgré des notes catastrophiques en maths et statistiques mais parmi les premiers de l’amphi en biochimie, il termine son année 163e sur 165. Il est le seul MP zéro à réussir sa première année de médecine : « Je suis passé du premier coup et je n’en suis pas peu fier », se souvient-il avec un grand sourire. Après, tout s’est enchaîné : ses années de médecine à Kremlin-Bicêtre, sa thèse de médecine sur la traumatologie de la chute libre en parachute. Puis, il s’installe à Montpellier et s’intéresse de près à la pédiatrie. Il découvre le handicap chez l’enfant et décide de se spécialiser en médecine du handicap. Plus tard, il élargira le champ de ses patients. Sa motivation est d’autant plus grande qu’il s’agit d’un véritable besoin en Martinique. Il reste quelque temps encore en métropole et passe par les services de rééducation de Garches et de Cochin.

Objectif rééducation

Le 14 juillet 1984, CES en poche, il « rentre au pays » et devient l’assistant du Pr Jean Baptise dans le service de rééducation s’est créé au CHU de Fort-de-France. Les pathologies étaient, dit-il, moins complexes qu’aujourd’hui : accidentés de la voie publique, amputés, patients rencontrant des problèmes après une chirurgie prothétique. Il y a beaucoup à faire en soin de suite : appareillage, rééducation. Les plateaux techniques sont un peu sommaires et le Dr Patrick René-Corail va beaucoup œuvrer pour donner toute sa place à la médecine de rééducation, notamment comme chargé de mission auprès de l’ARS afin d’améliorer les conditions de soin : un vrai travail de construction et de coordination entre les différents sites hospitaliers.

Parallèlement, il s’investit pour faire évoluer la médecine du sport et le « Sport Santé ».

Il devient chef du service de rééducation en 1984. Il a depuis formé sept praticiens et a été entre autres engagements, président de la CME (commission médicale d’établissement). C’est dans le cadre de cette fonction qu’il a co-animé la conduite du projet de fusion des hôpitaux de la Martinique : Fort-de-France, Lamentin et Trinité mais « l’aventure n’est pas finie » et il sait qu’il y a encore beaucoup à faire quant à la qualité du parcours du malade. « Il faut que ce parcours soit cohérent avec les structures mises en place, sans risque de perte de chance dans la trajectoire du patient du fait d’une mauvaise coordination entre les services : avoir le bon patient, dans le bon lit, avec la bonne équipe. » Passé du « cure au care » : la formule, qu’il emploie, résume ses objectifs.

Conscient que la recherche clinique s’avère un peu limitée en Martinique, les moyens techniques étant peu développés, Patrick René-Corail s’est appliqué à faire avancer la recherche épidémiologique. Il a pris part à la publication de nombreux travaux sur l’incidence de l’accident vasculaire cérébral, première cause de mortalité et de handicap sur le territoire. Plus récemment, il a participé aux premières études décrivant les séquelles à type de troubles musculo-squelettiques (TMS) du Chikungunya, a valorisé l’utilisation des plantes médicinales locales « rimed razié » et a apporté grâce à la médecine physique, une nouvelle arme thérapeutique non médicamenteuse contre les douleurs chroniques.

L’union plutôt que la compétition

Il apprécie par-dessus tout le travail en équipe, expliquant : « C’est le métier de rééducateur qui veut ça ! » À la compétition, il préfère l’union et favorise l’enseignement interrégional de sa discipline : Martinique, Guadeloupe, Guyane toujours en quête d’une meilleure coordination dans l’intérêt du malade et des soins de suites. Les formations reçues sont communes et Patrick René-Corail ne cache pas son vœu d’accueillir un jour un universitaire pour la région Antilles-Guyane.

« C’est possible… tout est possible » : cette citation du Dr Jacques Salin, l’un des bâtisseurs de la médecine hospitalière en Guadeloupe, que le Dr Patrick René-Corail appose sous sa signature, évoque son grand optimisme. Un optimiste malgré tout inquiet pour l’avenir médical de la région : manque de postes hospitaliers, peu de médecins de médecine général et peu de spécialistes et, compte tenu du vieillissement, des départs à la retraite massifs dans les années à venir. À ce rythme, en 2030, la démographie médicale antillaise sera la plus faible de toute la France. « Si les jeunes pouvaient être formés tout au long de leurs cursus ici [les 3 premières années se font dans la région, puis ils partent en métropole], nous n’aurions pas ce problème. »

Très certainement, le Dr Patrick René-Corail fera encore beaucoup pour le développement médical et l’amélioration des soins dans sa région. « C’est possible… tout est possible. »

Marion Rannou Pahun

Source : Le Quotidien du Médecin: 9423
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