Les bonnes nouvelles de 2020

Infectiologie, des victoires occultées par la pandémie

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Publié le 18/12/2020
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Avec la pandémie de Covid-19, l’année 2020 a mis en exergue, comme jamais auparavant, la menace représentée par les maladies infectieuses, notamment émergentes. Mais dans le même temps, des progrès importants ont été confirmés en infectiologie, que ce soit en matière d’antibiorésistance ou de prévention.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

La bataille contre l’antibiorésistance porte ses fruits

« Cela fait 15 ans qu’on attendait ça », se réjouit le Pr Pierre Tattevin, président de la Société française d’infectiologie de langue française (Spilf) : depuis quelques années, les pratiques thérapeutiques changent dans le sens d’un meilleur usage des antibiotiques. Une évolution confirmée en 2020 par la publication des chiffres de l’année 2019.

Selon le bilan publié conjointement en novembre par Santé publique France, l’ANSM et l’Anses, la diminution des consommations amorcée en 2016 s’est en effet poursuivie l’année dernière, notamment en ville. Ainsi, le nombre de prescriptions réalisées en 2019 par les généralistes a reculé de 3 points pour 100 patients par rapport à l’année précédente, et même de 7 points depuis 2016. Une réduction des consommations qui, du fait des campagnes d’informations menées ces dernières années, concerne en particulier les antibiotiques les plus générateurs de résistance tels que les céphalosporines de 3e ou de 4e génération ou les fluoroquinolones.
Résultat : l’antibiorésistance a cessé d’augmenter, et commence même à chuter. Ainsi, en ville, la résistance d’E. Coli aux C3G a reculé de 3 % en 2019. De même, la résistance aux fluoroquinolones en établissements de santé se réduit. Mais les progrès les plus spectaculaires concernent la médecine vétérinaire. « En 2019, il n’y avait presque plus de résistance dans le monde animal », résume le Pr Tattevin, pour qui tous ces résultats « montrent qu’on peut faire marche arrière rapidement en termes d’antibiorésistance ».

La progression des IST semble marquer le pas en France

Mais les statistiques relatives à l’utilisation des antibiotiques en France ne sont pas les seules publiées en cette fin d’année. À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida du 1er décembre, des chiffres de 2018 et de 2019 concernant la lutte contre les infections sexuellement transmissibles ont également été rendus publics. Un bilan encourageant, qui suggère que l’incidence des IST tend elle aussi à diminuer.

« On a l’impression que sur le versant des IST, on a franchi un cap avec des maladies telles que la syphilis, qui reculent légèrement en France », résume en effet le Pr Tattevin. Même si les experts invitent à interpréter les données disponibles avec prudence dans la mesure où la plupart des IST ne constituent pas des maladies à déclaration obligatoire et où le système de déclaration a été récemment perturbé, la très forte recrudescence de la syphilis, des infections à chlamydia et du gonocoque observée ces dernières années semble ralentir.

De même, concernant le VIH, « il semblerait que le nombre de nouveaux cas recule en France depuis 2018 », s’enthousiasme Pierre Tattevin, qui explique ce phénomène par une augmentation de la proportion de patients « contrôlés », une évolution notamment permise par des progrès réalisés en matière de dépistage. D’après Santé Publique France, l’activité de dépistage du VIH semble effectivement avoir continué à augmenter en 2019. Avec au moins 6,2 millions de sérologies VIH réalisées en ville l’année dernière, le recours au dépistage, qui avait déjà progressé de 10 % sur la période 2014-2018, se serait encore accru de 6 points entre 2018 et 2019.

Reste toutefois à savoir si ces progrès ont résisté à 2020. Si, depuis mars, comme l’affirme Santé publique France, « la pandémie de Covid-19 (semble avoir entraîné) une forte diminution du recours au dépistage », ce phénomène pourrait avoir été compensé par des changements de comportements. « Une part importante des patients rapporte avoir réalisé une pause sexuelle pendant les deux vagues », explique Pierre Tattevin.
Le président de la Spilf salue un autre progrès en matière de prévention des IST : le remboursement du vaccin HPV pour les garçons, qui devrait mieux répartir entre les hommes et les femmes la lutte contre les papillomavirus.

Le vaccin contre Ebola : une occasion manquée ?

Si les campagnes de vaccination menées en Afrique ont permis d’éliminer la poliomyélite sauvage du continent, l’introduction d’un nouveau vaccin pourtant très attendu, le vaccin contre Ebola, n’a pas été accompagnée des progrès escomptés. Utilisé depuis 2018 grâce à des procédures d’autorisation d’urgence mais véritablement mis sur le marché européen (AMM conditionnelle) en novembre 2019 puis en France en février 2020, le vaccin Ervebo, à l’ASMR (amélioration du service médical rendu) jugée majeure par la HAS, aurait en effet pu permettre de rendre la maladie réellement « évitable », comme le suggère la Revue médicale suisse. Cependant, l’utilisation de ce vaccin n’a donné que peu de résultats « du fait du climat d’insécurité géopolitique régnant sur la région du Kivu au Nord-Ouest de la RDC, l’épicentre de l’épidémie », explique la revue Médecine Sciences de l’Inserm. « En fait, la dernière épidémie qui a eu lieu au Congo s’est avérée particulièrement difficile à juguler, voire cauchemardesque », déplore le Pr Tattevin.

La polio sauvage éliminée d’Afrique

Mais les avancées les plus marquantes de cette année ont sans doute été réalisées à l’étranger, et en particulier sur le continent africain. « 2020 est la première année où l’Afrique est déclarée exempte de poliomyélite », retient surtout le Pr Tattevin. La Commission régionale de certification de l’OMS pour l’Afrique a en effet annoncé le 25 août que plus aucun cas de poliomyélite sauvage n’avait été enregistré sur le continent depuis 4 ans. Ainsi, cinq des six régions de l’OMS, soit plus de 90 % de la population mondiale, sont désormais exemptes de cette souche du virus, rapprochant la perspective d’une éradication de la maladie.

Pour atteindre cet objectif, la mobilisation doit cependant se poursuivre, et ce, en particulier au Pakistan et en Afghanistan, seuls pays où le poliovirus continue de se transmettre. Pour éviter tout retour de l’agent infectieux en Afrique et endiguer la propagation d’un autre type de poliovirus – dérivé d’une souche vaccinale de type 2 (PVDVc2) – encore présent dans seize pays du continent, l’OMS incite à renforcer la vaccination, mise à mal par la pandémie. « Car c’est bien grâce aux campagnes de vaccination que ces progrès ont été réalisés », insiste le Pr  Pierre Tattevin, dans un contexte marqué, en France, par une méfiance croissante vis-à-vis des vaccins.

VIH, la primo-prescription de la Prep bientôt autorisée en ville

En matière de lutte contre le VIH, l’accès aux traitements préventifs devrait encore progresser avec l’ouverture imminente de la primo-prescription de la prophylaxie pré-exposition au VIH (PrEP) aux médecins généralistes. « Oui, les médecins libéraux pourront bientôt, c’est l’affaire de quelques semaines, prescrire en primo-prescription cette fameuse PrEP, qui permet à plusieurs milliers de Français de limiter les risques de contamination au VIH », a en effet affirmé Olivier Véran à l’Assemblée nationale lors de la Journée mondiale de lutte contre le VIH. Un projet de décret autorisant l’initiation du traitement en ville déposé au Conseil d’État devrait plus précisément entrer en vigueur « dès le début d’année 2021 », selon un communiqué du gouvernement.

À l’avenir, la PrEP pourrait être simplifiée grâce au cabotégravir injectable à longue durée d’action. Selon une étude américaine conduite cette année par les National institutes of Health (NIH), une injection bimestrielle à visée préventive pourrait faire mieux que la PrEP classique par prise quotidienne de Truvada® en termes de prévention de l’infection, avec une sécurité d’emploi comparable.

Déjà utilisables de façon exceptionnelle grâce à des procédures d’ATU, ces formes injectables à longue durée d’action devraient se développer plus généralement en thérapeutique, au bénéfice des patients séropositifs au VIH présentant des difficultés d’observance ou à avaler les comprimés et ceux confrontés à des problématiques de confidentialité. Cet automne, l’Agence européenne du médicament s’est positionnée en faveur de la mise sur le marché de deux spécialités injectables – Rekambys® (rilpivirine) et Vocabria® (cabotégravir) utilisables en bithérapie.


Source : Le Généraliste