Le Dr Hutin, un généraliste nordiste dans la bataille électorale

Publié le 23/05/2012
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

DEPUIS FIN JANVIER circule sous les lambris du Parlement une motion réclamant l’abandon des poursuites engagées contre des victimes de l’amiante ayant perçu des indemnités trop élevées, selon les juges de la Cour d’appel de Douai. Quelque 300 parlementaires ont déjà signé le document réclamant une remise gracieuse des sommes réclamées.

À l’origine de cette démarche inhabituelle : le parlementaire nordiste Christian Hutin. Député-maire SRC (mouvement socialiste radical et citoyen) de Saint Pol sur mer depuis 2007, et médecin généraliste, il a vu défiler dans son cabinet des dizaines de patients malades de l’amiante. Et lorsque s’est constitué un groupe d’études « Amiante » à l’Assemblée nationale, ce médecin de 51 ans s’y est engagé énergiquement, avant d’en prendre la présidence voilà un an après le décès de Patrick Roy, en mai 2011. « Le drame de l’amiante a démarré dès mon installation, voilà 25 ans. La région de Dunkerque est particulièrement touchée : 80% de l’amiante importée en France transitait par le port de Dunkerque et était déchargée en vrac sans aucune précaution particulière. Les jeunes dockers jouaient avec l’amiante comme avec des boules de neige ! Nombre d’ouvriers des chantiers navals manipulaient également de l’amiante. Lorsque je me suis installé, dans le centre de Saint Pol sur mer, le scandale de l’amiante commençait à éclater. Dans mon cabinet, je recevais nombre de patients présentant des plaques pleurales. En vingt ans, j’ai suivi toute l’évolution du drame. Aujourd’hui, on dénombre à Dunkerque deux à trois décès par semaine liés à l’amiante. Je ne pouvais pas rester passif devant ce drame ».

Le plus grand scandale sanitaire du siècle.

Pour cet homme engagé, qui se définit comme un gaulliste de gauche, le combat passe par la politique.

En 1995, il se présente aux élections municipales et rafle la mairie de Saint Pol sur mer. Où il a été réélu lors du dernier scrutin, avec 100 % des voix... Douze ans plus tard, Christian Hutin devient député de la douzième circonscription du Nord et se lance dans le lobbying pour faire avancer le dossier de l’amiante.

«C’est le plus grand scandale sanitaire du siècle dernier, tant par le nombre de personnes touchées que par l’immoralité des industriels, assène-t-il. On s’attend à 150 000 décès. La France a été le dernier pays au monde à interdire l’usage de l’amiante, en 1997, à cause de la puissance du lobby industriel. Lorsque je vois la souffrance endurée par les malades et leurs proches, j’ai envie de me battre pour faire reconnaître leur drame. Les patients vivent avec la hantise de déclarer la maladie. Tout dépend de la gravité de l’exposition et de sa durée. Pour les familles, c’est une angoisse terrible et un préjudice moral considérable…Face à ce drame, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) vient leur réclamer un trop perçu, au prétexte qu’ils ont cumulé l’indemnité de Sécurité sociale et l’indemnité du FIVA. Cette décision de justice est inhumaine ! ».

La motion lancée par le député nordiste a déjà recueilli plus de 300 signatures (essentiellement d’élus de gauche mais pas seulement). Après l’Assemblée Nationale, Christian Hutin sensibilise à présent les sénateurs, dans l’espoir de donner plus de poids à sa démarche.

Les lambris dorés d’un côté, la détresse de l’autre.

Accaparé par son engagement politique, le député-maire ne délaisse pas son travail de médecin de famille. Deux matinées par semaine, il assure ses consultations, dans le cabinet de groupe qu’il partage avec quatre confrères. « Je tiens à poursuivre cette activité. Elle me permet de garder les patients que je suis depuis mes débuts et de ne pas prendre la grosse tête. Au Parlement, je suis sous les lambris dorés de la République, ici, je côtoie la détresse humaine. Saint Pol sur mer est une ville ouvrière pauvre avec 16 à 20 % de chômeurs, 57 % de logements sociaux. J’ai des patients qui peuvent à peine payer le prix de la consultation. L’autre jour, l’un d’eux est venu m’apporter des poissons qu’il avait pêchés. Je lui avais prêté de l’argent et il ne pouvait pas me rembourser… »

Lorsqu’il démarre sa consultation, à 7 heures du matin, il n’est pas rare qu’une personne l’attende sur le trottoir pour lui demander un coup de pouce pour un logement social ou une aide financière. Loin, bien loin des fastes de la République !

FLORENCE QUILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9130