Si 75 % des AVC touchent des patients de plus de 65 ans, moins de 10 % des malades sont de jeunes adultes. Chez ces derniers, les facteurs de risque liés au mode de vie sont plus fréquents que chez le sujet plus âgé, comme la consommation de tabac, d’alcool et de substances illicites au premier rang desquelles le cannabis. Celui-ci est la drogue la plus consommée au monde, notamment par les jeunes hommes. Cette consommation, en hausse, s’accompagne d’une croyance accrue qu’il s’agit d’une drogue principalement inoffensive. Or, une déclaration récente de l’American Heart Association (AHA) a souligné l’effet délétère du cannabis, récréatif et médical, sur la santé cardiovasculaire et le cerveau (1). Des études observationnelles ont établi un lien entre la consommation de marijuana et un premier AVC ou AIT. Mais la prévalence et le risque de récidive d’AVC chez ces patients n’étaient pas clairement établis.
Plus de 160 000 jeunes adultes étudiés
Selon une étude présentée en février à la conférence internationale de l’AVC (ISC), les jeunes fumeurs de cannabis ont un risque élevé d’AVC récurrent (2). Les chercheurs ont examiné les informations de santé du « National Inpatient Sample », une base accessible au public qui compile les données de plus de sept millions de séjours hospitaliers chaque année aux États-Unis. Pour cette étude, l’échantillon comprenait 161 390 jeunes adultes âgés de 18 à 44 ans, hospitalisés entre octobre 2015 et 2017 et ayant un antécédent d’AVC ou AIT. Les chercheurs ont identifié dans l’échantillon des patients qui répondaient aux critères de troubles liés à la consommation de cannabis (CUD). Ils ont comparé la fréquence et les probabilités d’AVC chez les jeunes adultes fumant du cannabis (CUD+), par rapport à ceux qui n’en consommaient pas (CUD-), et en fonction de leurs antécédents d’AVC ou AIT.
Les hospitalisations de jeunes adultes ayant déjà subi un AVC ou un AIT étaient de 4 690 dans le bras CUD+ et de 156 700 dans le groupe CUD-. L’âge médian était de 37 ans dans les deux cohortes. Par rapport aux patients CUD-, la cohorte CUD+ était composée en majorité d’hommes (55,2 % contre 40,2 %), d’Afro-Américains (44,6 % contre 37,2 %), de sujets avec des taux plus élevés de consommation de tabac et d’alcool, de maladie pulmonaire obstructive chronique, de dépression et de psychoses, mais moins de comorbidités cardiovasculaires (p < 0,001).
Un risque accru chez les fumeurs avec antécédents
Selon les résultats, la fréquence et le risque d’AVC récurrents sont significativement augmentés chez les jeunes adultes CUD+ ayant des antécédents d’AVC ou AIT. Comparé au groupe CUD-, le bras CUD+ a un taux considérablement plus élevé d’AVC récurrents (6,9 % versus 5,4 % ; probabilité ajustée : 1,48, p < 0,001). C’est également le cas dans plusieurs sous-groupes (p < 0,05) : chez les hommes (7,7 % contre 5,9 %), les personnes de type caucasien (6,6 % contre 5,1 %), les Afro-Américains (8,0 % contre 5,2 %) et parmi le quartile à faible revenu du ménage (7,7 % contre 5,5 %).
« Les jeunes consommateurs de marijuana qui ont des antécédents d’AVC ou d’AIT restent significativement plus à risque d’AVC futur, souligne le Dr Akhil Jain (Pennsylvanie), auteur principal de ce travail. Par conséquent, il est essentiel de sensibiliser davantage les jeunes adultes aux effets néfastes de la consommation chronique de marijuana, en particulier s’ils ont des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire ou des épisodes d’AVC antérieurs ». Les résultats de cette étude ne sont pas transposables aux personnes plus âgées, sujettes aux problèmes de santé et aux facteurs de risque cardiovasculaires.
« D’autres travaux de recherche sont nécessaires pour examiner cette problématique clinique préoccupante. Il va falloir répondre à des questions importantes comme l’impact de la quantité consommée sur la survenue d’AVC récurrents, la durée de consommation et l’utilisation du cannabis médical », conclut le Dr Jain.
Dans tous les cas, ces données montrent qu’il est essentiel de rechercher la consommation de cannabis chez de jeunes patients victimes d’AVC. Selon l’AHA, la fréquence des AVC est en hausse chez les jeunes adultes âgés de 18 à 45 ans. Ils représentent jusqu’à 15 % des AVC aux États-Unis. À l’heure des controverses sur la légalisation de la vente de cannabis, il apparaît que ce dernier n’est décidément pas une drogue sans risque.
(1) Page RL et al. Circulation. 2020 Sep 8;142(10):e131-e152.
(2) Desai R et al, Abstract 139
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