EST-ON ENFIN parvenu à reproduire l’état de résistance naturelle à l’infection VIH constatée chez certains sujets produisant des anticorps muqueux ? Il est encore trop tôt pour l’affirmer mais les résultats prometteurs de l’équipe de Morgane Bomsel laissent espérer qu’un vaccin muqueux anti VIH n’est plus si loin. « Cela n’allait pas forcément de soi que la voie intranasale soit aussi immunogène chez l’homme que chez le singe (voir « le Quotidien » daté du 14 février 2011), explique au " Quotidien " le Dr Morgane Bomsel, directrice de recherche Inserm U1016 " Entrée muqueuse du VIH et Immunité muqueuse ". L’élaboration d’un vaccin muqueux s’est déjà heurtée par le passé à l’échec de la voie sublinguale chez l’homme, pourtant très efficace chez l’animal. C’est donc une étape très importante que vient de franchir notre essai de phase I en permettant à la fois de retrouver l’immunogénicité observée chez le primate et de lever les réserves existantes quant à la tolérance de la voie intranasale. »
L’essai de phase I mené chez 24 femmes séronégatives, a confirmé qu’un vaccin ciblant la sous-unité virale transmembranaire Gp41, et non pas la protéine d’enveloppe Gp120, entraîne une réponse forte en IgG et IgA sériques et muqueuses. « Ces Ac spécifiques anti-lipopeptide P1 ne sont pas des Ac neutralisants, mais des Ac capables de bloquer la transcytose, c’est-à-dire l’entrée du virus dans les cellules muqueuses, précise la chercheuse. Ce sont les Ig muqueuses qui retiennent en priorité notre attention au vu des données d’efficacité chez l’animal. Il n’est pas exclu néanmoins que les Ig sériques jouent un rôle protecteur dans l’immunité antivirale. De même qu’il peut exister une activité ADCC de certaines Ig, comme nous avons pu le constater chez les femelles macaques. »
Réponse immune très puissante.
Rien n’aurait pu avoir lieu sans le financement de Mymetics en partenariat avec Pevion. « L’essai a été mené dans un centre de vaccination à Gand appelé Cevac, situé sur le campus de l’hôpital, avec comme investigateur principal le Pr G. Leroux-Roels, indique le Dr Bomsel. La seule unité dédiée aux essais cliniques vaccinaux est aussi grande que notre bâtiment à l’Inserm, c’est très impressionnant ! L’excellente tolérabilité de l’essai par les participantes nous laisse espérer pouvoir convaincre les autorités compétentes et aller au-delà de certaines limites techniques, comme le nombre de prélèvements vaginaux autorisés. Ce qui représente pour nous un enjeu immédiat pour mesurer la durée de la mémoire vaccinale.»
Les participantes, toutes séronégatives et en bonne santé, ont été randomisées en deux bras en fonction de la posologie administrée, l’un à 10 µg/dose, le second à 50 g/dose. Dans chaque bras, huit femmes recevaient le vaccin MYM-V101 et quatre autres un placebo. Deux doses étaient administrées en intramusculaire (semaine 0 et 8) et deux doses en intranasale (semaines 16 et 24). Une réponse en IgG sériques et muqueuses ainsi qu’en IgA sériques était présente quelle que soit la dose utilisée. En ce qui concerne les IgA muqueuses, près de 75 % des participantes ont présenté une réponse très forte dans le groupe à 50 µg, près de 40 % dans le groupe à 10 µg.
Mémoire vaccinale
« La voie IM est insuffisante pour induire une immunité muqueuse, signale la scientifique. Peut-on imaginer se passer de la voie IM pour la seule intranasale ? La question reste en suspens. Une chose est sûre, cette voie d’administration n’est pas en cause dans les cas de paralysie faciale rapportés dans d’autres essais. Il semble que l’agent responsable soit l’adjuvant utilisé alors. Dans notre étude, le vaccin ne contient pas d’adjuvant et le virosome utilisé est bien connu, puisque c’est celui contenu dans le vaccin anti-hépatite A. »
Si l’étape est marquante, il en reste encore beaucoup d’autres à franchir. « Préciser la durée de la mémoire vaccinale en est une, souligne la chercheuse. Et puis, faut-il faire un retour par la case préclinique et améliorer la composition du virosome ? Ou passer directement à l’essai de phase II ? Tout cela n’est pas encore décidé et dépend du financement accordé. Nous devrions en savoir plus dans les 6 mois à venir. » En attendant, l’équipe du Dr Bomsel étudie l’efficacité du vaccin chez l’homme en poursuivant ses travaux sur l’immunité muqueuse au niveau du prépuce, de l’urètre et du rectum.
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