Depuis de nombreuses années, l’OMS alerte sur l’antibiorésistance. « Les dernières modélisations, dont celles publiées en 2016 par les Britanniques, montrent que la résistance aux anti-microbiens (incluant les infections au VIH, le paludisme, etc.) pourrait causer en 2050 plus de morts que le cancer », explique le Pr Céline Pulcini, cheffe du projet national antibiorésistance au ministère de la Santé et des Solidarités, qui est intervenue dans une plénière intitulée “antibiotiques et microbiote”. « Les patients souffrant d’une infection résistante ont un risque de mortalité multiplié par deux à trois, comparé à ceux ayant une infection à une bactérie sensible », précise le Pr Pulcini. Aujourd’hui, l’antibiorésistance est la cause de plus de 5 500 décès par an, indique le ministère.
Après un voyage lointain
Antoine Andremont, professeur émérite à la faculté de médecine de Paris Diderot, est aussi intervenu pour détailler les liens entre antibiorésistance et microbiote.
Parallèlement à leurs risques allergiques et toxiques, toute prise d’antibiotiques modifie le microbiote, en particulier intestinal. Ainsi, si ce dernier contient des bactéries résistantes, celles-ci seront sélectionnées.
Pour illustrer cette problématique, le Pr Andremont a détaillé le cas des infections urinaires liées à la contamination par des bactéries d’origine digestive chez les femmes revenant d’un pays du sud ou d’Asie du Sud-Est. Pour des raisons d’hygiène et de mauvaise utilisation des antibiotiques, les bactéries résistantes y sont plus nombreuses.
L’expert a alerté sur cette situation qui peut se voir en médecine ambulatoire. « Nous devons être vigilants vis-à-vis de ces femmes souffrant d’une infection urinaire après un long vol. Le transport en avion favorise une déshydratation, donc ce type d’infection qui peut être liée à une bactérie résistante. Lors d’un séjour dans un de ces pays, il existe en effet un risque de colonisation intestinale par des germes multi-résistants pouvant aussi coloniser les voies urinaires. » Avec au final un impact sur le choix de l’antibiothérapie de première intention, soulignait le BEH sur la santé des voyageurs de 2018.
Éviter la sélection
De manière générale, au niveau du microbiote, pour éviter la sélection d’une bactérie résistante, « il est conseillé de prescrire l’antibiothérapie la plus courte possible, détaille le Pr Pulcini, et d’éviter les antibiothérapies à spectre large et les antibiotiques critiques » : céphalosporines, amoxicilline+ acide clavulanique, quinolones, etc. – (liste sur le site de l’ANSM).
Le bon usage des antibiotiques constitue un impératif de santé publique majeur. D’importants progrès sont envisageables puisqu’en France, nous consommons trois fois plus d’antibiotiques que les pays européens les plus vertueux (Scandinavie, Pays-Bas).
En 2017, 759 tonnes d’antibiotiques destinés à la santé humaine ont été vendus en France, dont 93 % en médecine de ville. « Depuis l’instauration de la ROSP, il y a eu une baisse de la consommation, notamment des antibiotiques critiques et chez les personnes de 16 à 65 ans en bonne santé. Cela veut dire que l’on peut agir. Tant mieux, conclut le Pr Pulcini, car on ne peut plus attendre ! »
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