Les dernières recommandations françaises sur le traitement de la migraine dataient de 2021. Depuis, de nouveaux antimigraineux ciblant la voie CGRP – anticorps anti-CGRP et antagonistes des récepteurs au CGRP (ou « gépants ») – ont obtenu des autorisations de mise sur le marché. Dans ce contexte, la Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC) a mis à jour ses recommandations (comme d’ailleurs la Société internationale des céphalées).
Selon ces guidelines 2.0, les grands principes de la prise en charge médicamenteuse de la migraine ne changent pas : en complément du traitement de crise, un traitement pro-phylactique est préconisé en cas de crises trop répétées (plus de huit jours par mois) ou trop sévères (nécessitant un arrêt des activités). Fait nouveau cependant : ces recos font la part belle aux anti-CGRP et aux gépants, notamment en prophylaxie de la migraine, même si ces médicaments restent peu accessibles en France (voir encadré).
Les triptans, pas tous équivalents
En parallèle, d’autres pistes sont proposées pour optimiser la prise en charge des patients migraineux, la mise à jour des recommandations et plusieurs études récentes suggérant qu’il est possible de faire mieux, y compris avec des molécules plus anciennes.
À commencer par les triptans, à choisir plus finement afin d’optimiser le traitement de crise de la migraine. Tandis que tous les médicaments de la classe thérapeutique étaient jusqu’à présent considérés comme globalement équivalents en termes d’efficacité, une étude parue dans le British Medical Journal en 2024 suggère que l’élétriptan, le rizatriptan et le sumatriptan présentent de meilleures performances. Le zolmitriptan compterait aussi parmi les molécules les plus efficaces – mais pour davantage d’effets indésirables.
Concernant le traitement prophylactique de la migraine, certains médicaments changent officiellement de place dans la stratégie. Ainsi, selon les recommandations françaises, le propranolol est désormais indiqué en première intention non seulement en cas de migraine épisodique mais aussi en cas de migraine chronique.
La toxine botulique de type A, disponible en France dans cette indication depuis 2022, pourrait aussi être davantage utilisée, des injections répétées dans différents groupes musculaires ayant montré leur intérêt dans la migraine chronique. Au moins un migraineux sur deux pourrait s’avérer répondeur. Les recommandations internationales de 2024 invitent ainsi à combiner, en cas de réponse partielle et insuffisante à un premier traitement, soit deux traitements oraux classiques, soit un médicament per os classique avec un anti-CGRP ou la toxine botulique – avec un risque d’interactions moindre.
Adapter le traitement aux comorbidités psychiatriques
Les recommandations françaises comme internationales insistent aussi sur l’adaptation du traitement prophylactique de la migraine aux comorbidités, à dépister préalablement.
De plus en plus d’études confirment la prévalence importante de nombreuses comorbidités chez les patients atteints de migraine. Des troubles psychiatriques sont fréquemment observés, au premier rang desquels la dépression. Un surrisque important de trouble bipolaire se dégage aussi en cas de migraine, en particulier avec aura : un tiers des patients bipolaires souffriraient de migraine. Et un patient migraineux sur deux développerait un trouble anxieux ou un trouble du sommeil.
En cas de trouble anxieux, le traitement de crise est à surveiller particulièrement du fait d’un surrisque de surconsommation médicamenteuse – par anticipation des crises. Par ailleurs, parmi les médicaments indiqués en prophylaxie de la migraine après la première ligne, plusieurs sont susceptibles de favoriser ou au contraire de réduire certains symptômes psychiatriques. Ainsi, l’amitriptyline – antidépresseur tricyclique préconisé en deuxième intention – est à éviter face à un trouble bipolaire, en lien avec une augmentation du risque de cycles rapides. La dépression, elle, contre-indique le topiramate – dépressogène. Au contraire, face à une comorbidité dépressive, les antidépresseurs tricycliques ou la venlafaxine, qui permettent d’éviter la transformation des migraines épisodiques en migraines chroniques, apparaissent particulièrement indiqués. À noter que parmi les traitements plus spécifiques de la migraine, la toxine botulique et les anti-CGRP ont montré une activité contre les symptômes dépressifs – indépendamment de leur efficacité sur la migraine.
Certains troubles neurodéveloppementaux tels que le trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) apparaissent aussi particulièrement fréquents chez les patients migraineux. Une méta-analyse de 2018 suggère un surrisque de plus de 30 % en cas de migraine. Si le traitement de la migraine apparaît associé à de meilleures performances attentionnelles, notamment visuelles, l’impact sur la migraine des psychostimulants indiqués dans la prise en charge du TDAH reste mal décrit.
Prévenir le risque cardiovasculaire
Des comorbidités vasculaires sont aussi connues de longue date. Mais de nouvelles données apportent des précisions.
Concernant les événements cérébrovasculaires, une méta-analyse de 2018 retrouve chez les patients atteints de migraine un risque d’AVC accru de plus de 50 %. Le risque augmenterait avec la fréquence des auras (risque multiplié par 4 au-delà d’un épisode de ce type par semaine) mais diminuerait au cours des années. Les études confirment en outre un surrisque d’AVC chez les femmes migraineuses de moins de 45 ans, qui plus est sous pilule œstroprogestative (risque d’AVC multiplié par 8) ou en cas de tabagisme (risque d’AVC multiplié par 9). Par ailleurs, une étude toulousaine conduite auprès d’environ 650 patients ayant eu un AVC retrouve chez les migraineux avec aura un risque de fibrillation atriale multiplié par 5. Ainsi, en cas d’AVC survenant chez un migraineux (avec aura), une fibrillation atriale doit être évoquée quel que soit l’âge, l’implantation d’un moniteur cardiaque pouvant être indiquée dans cette situation, même avant 65 ans.
Les patients migraineux présentent aussi un risque accru d’autres maladies cardiovasculaires : infarctus du myocarde, flutter, etc.
Concernant les adaptations du traitement de la migraine à proposer, une étude de 2025 suggère que les bêtabloquants – indiqués en prophylaxie – pourraient réduire le risque d’AVC, surtout chez les migraineuses sans aura. La possibilité d’ajouter une prophylaxie antithrombotique a été examinée, chez des migraineuses avec aura, dans une étude contrôlée randomisée, mais cet essai n’a pas conclu à un effet protecteur. Concernant le traitement de crise, les triptans, qui ont longtemps inquiété pour leurs effets vasoconstricteurs, n’augmentent en fait pas le risque d’AVC – sauf peut-être chez les migraineux de plus de 60 ans présentant des facteurs de risque supplémentaires d’AVC, et seulement dans les 15 jours suivant l’introduction du produit.
Anticorps anti-CGRP et gépants : recommandés mais peu remboursés
Récemment, de nouveaux antimigraineux ciblant la voie du CGRP sont arrivés sur le marché, comme un anticorps anti-CGRP, l’eptinezumab, et surtout de premiers « gépants » : le rimégépant et l’atogépant.
L’actualisation 2024 des recommandations françaises précise leur place dans la stratégie thérapeutique. Les gépants peuvent désormais être utilisés en traitement de crise, mais seulement en cas d’échec, de contre-indication ou d’intolérance aux AINS et aux triptans. En traitement prophylactique, les recommandations ouvrent la porte à une utilisation large des anticorps anti-CGRP – tous efficaces et bien tolérés – et des gépants – en préférant l’atogépant en cas de migraine chronique, le rimégépant se révélant actif contre les migraines épisodiques uniquement. Selon la SFEMC, ces médicaments pourraient même théoriquement se voir proposés en première intention en cas de migraine épisodique.
Cependant, les anticorps anti-CGRP ne sont remboursés en prophylaxie qu’en cas de migraine sévère après échec ou contre-indication de deux premières lignes de traitement. Et la Haute Autorité de santé (HAS) continue de ne positionner les gépants qu’en troisième ligne de traitement, et ni le rimégépant ni l’atogépant ne sont pour le moment remboursés.
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