L’incidence du diabète de type 2 (DT2) ne fait que croître avec plus de 530 millions de cas dans le monde en 2021 et 783 millions attendus en 2050. Le DT2 est le premier facteur de risque de maladie rénale chronique (MRC), et leur association a un effet cumulatif sur le risque cardiovasculaire, qui n’est plus à démontrer. Pour rappel, selon l’enquête NHANES III, la mortalité cardiovasculaire à dix ans chez une personne sans DT2 ni MRC est estimée à 3,4 %. Elle s’élève à 6,7 % en cas de DT2, à 9,9 % en cas de MRC, pour atteindre 19,6 % lorsque les deux sont associés.
Diminuer le risque de MRC chez le sujet diabétique est donc en enjeu majeur, qui explique largement l’intérêt porté aux études sur l’impact cardiovasculaire et rénal des nouveaux traitements du diabète menées ces dernières années.
MRC et diabète, les quatre piliers
Parmi les classes de médicaments porteuses d’espoir dans ce contexte : les agonistes du GLP-1, mais comme l’a rappelé le Pr Peter Rossing lors d’une session dédiée, les critères rénaux n’étaient pas au premier plan dans ces essais de sécurité cardiovasculaire. La publication en 2024 de l’étude Flow, qui avait inclus plus de 3 500 patients avec un DT2 et une MRC (93 % étaient considérés comme à haut risque ou très haut risque cardiovasculaire), a donc marqué une étape importante. Cet essai dédié a en effet démontré que comparativement au placebo, le traitement par sémaglutide permettait de réduire de 24 % le risque de survenue du critère primaire composite d’évènement rénal majeur -insuffisance rénale terminale (dialyse, transplantation, DFG estimé < 15 mL/min/1,73m2 ), baisse de plus de 50 % du DFG ou décès d’origine rénal ou cardiovasculaire, après un suivi médian de 3,4 ans. L’impact positif du traitement a été observé dans tous les sous-groupes de DFG. Un bénéfice majeur donc, qui a conduit à interrompre prématurément l’essai clinique, après une analyse intermédiaire préspécifiée.
C’est notamment sur la base de ces résultats qu’il est désormais préconisé, chez les patients avec DT2 et MRC, de faire appel à quatre familles de traitements : inhibiteurs du système rénine-angiotensine, inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2), finérénone (antagoniste non stéroïdien des récepteurs minéralocorticoïdes) et agonistes du récepteur du glucagon-like peptide-1. Mais en pratique, comment donner ces traitements pour en optimiser l’efficacité ? Dans quel ordre ? Faut-il les associer ?
L’étude Confidence, présentée lors du congrès, apporte des éléments de réponse en soulignant l’impact rapide et persistant d’une bithérapie d’emblée associant empagliflozine et finérénone sur le rapport albumine/créatinine urinaire, qui est réduit de plus de 50 % six mois après le début du traitement . « De façon importante, la kaliémie, qui inquiète souvent les praticiens, n’est que peu modifiée par le traitement, qui certes entraîne une baisse initiale du DFG, mais résolutif à l’arrêt du traitement », précise la Pr Claire Rigothier, néphrologue au CHU de Bordeaux. « Cette baisse est probablement en lien avec des phénomènes de modulation de la vascularisation intraglomérulaire avec effet sur les cellules mésangiales et les podocytes ».
La finérénone n’est pas encore disponible en France, « alors qu’il s’agit d’une molécule au mécanisme d’action très intéressant, polymorphe et différent de celui des gliflozines, poursuit la Pr Rigothier. Elle permet de réduire le risque de protéinurie résiduelle, qui constitue en quelque sorte le Graal de la stratégie thérapeutique ».
La maladie de Berger à l’ère des traitements ciblés
Autre fait marquant de cette édition 2025 du congrès : la présentation des résultats d’une analyse intermédiaire préspécifiée de l’essai de phase 3 Visionary, qui évalue les effets du sibeprenlimab, comparativement à un placebo dans la néphropathie à IgA (ou maladie de Berger). Il s’agit du plus vaste essai mené à ce jour dans la plus fréquente des glomérulopathies (540 patients inclus avec diagnostic confirmé par biopsie). Cet anticorps sélectif IgG2, qui bloque l’activité du ligand April, a lui aussi un effet spectaculaire sur la protéinurie, qui a été abaissée de 50 % après neuf mois de traitement, et ce avec une bonne tolérance.
Vascularites à ANCA, la piste des CAR-T-cell
Plusieurs nouveaux traitements pourraient aussi bénéficier aux vascularites à Anca. Ces pathologies rares, qui surviennent préférentiellement chez l’adulte entre 40 et 60 ans, se caractérisent par une inflammation des vaisseaux de petit calibre. Elles font partie, avec la périartérite noueuse, du groupe des vascularites nécrosantes systémiques. Elles sont souvent de diagnostic tardif, notamment dans les formes avec atteinte pulmonaire qui peuvent faire porter à tort le diagnostic de fibrose idiopathique. Le traitement se fonde sur les corticoïdes et des immunosuppresseurs tels que le cyclophosphamide ou le rituximab, mais l’arsenal thérapeutique s’élargit peu à peu. Avec désormais l’avacopan, un antagoniste sélectif du récepteur 5a du complément, qui permet d’améliorer la récupération de la fonction rénale en cas de vascularite rénale. Il est indiqué aujourd’hui chez les patients ne pouvant pas être traités par corticoïdes (risque élevé de complications liées à la corticothérapie), notamment.
Dans les formes résistantes de vascularites à Anca, de nouvelles stratégies fondées sur les cellules CAR-T se développent, à l’instar de ce qui se fait dans le lupus. Après la publication de plusieurs case-report, des études sont en cours pour évaluer ces thérapies géniques anti CD19.
Les podocytopathies mieux comprises
À noter enfin, la meilleure compréhension de la physiopathologie des podocytopathies qui a connu une avancée importante avec la publication il y a quelques mois d’une étude mettant en évidence la présence d’anticorps antinéphrine chez certains patients souffrant d’un syndrome néphrotique idiopathique. La néphrine est une protéine essentielle dans la composition du diaphragme de fente au niveau de la barrière de filtration glomérulaire. Les taux d’anticorps sont corrélés à l’activité de la maladie rénale (protéinurie). « On revient donc à un processus médié par des anticorps dans certaines formes de syndrome néphrotique idiopathique », note la Pr Rigothier. D’où l’intérêt du développement de méthodes de détection rapide de ces anticorps, de type Elisa, utile à la fois au diagnostic et au suivi des patients, la présence de ces anticorps pouvant être un facteur prédictif de récidive.
D’après un entretien avec la Pr Claire Rigothier, cheffe de l’unité de néphrologie (CHU Bordeaux)
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