L’augmentation du risque de fracture en cas de sarcopénie reste débattue (1). Les études publiées sont peu comparables, notamment du fait de l’utilisation de définitions variées de la sarcopénie. « La sarcopénie n’est reconnue, en tant que maladie, que depuis 2016 par l’Organisation mondiale de la santé. Les études pronostiques n’utilisent donc pas toutes les mêmes critères diagnostiques, ce qui rend leur comparaison difficile. C’est ainsi que nous avons mené une étude rétrospective à partir de la cohorte de la UK Biobank, dont l’objectif était d’évaluer l’association entre la sarcopénie et le risque de fracture, en utilisant les critères de l’EWGSOP2 (2,3) », explique la Dr Charlotte Jauffret (CHU de Lille).
Plus de 380 000 patients inclus
Dans cette étude, la force musculaire était mesurée par le grip test. L’indice de masse musculaire squelettique (SMI) était calculé à partir des données de bio-impédancemétrie. La présarcopénie était définie comme une faible force musculaire associée à une masse musculaire normale. En revanche, dans la sarcopénie, la force et la masse musculaires étaient faibles.
Il a été inclus 387 025 participants avec un âge médian de 58 ans (54,4 % de femmes) : 18 257 (4,7 %) étaient présarcopéniques et 1 124 (0,3 %) sarcopéniques. Au cours du suivi, d’une durée médiane de 12 ans, 18 300 (4,7 %) patients présentaient au moins un diagnostic de fracture incidente de localisation ostéoporotique.
Évaluer la masse musculaire ?
Les statuts de présarcopénie et sarcopénie, analysés ensemble, étaient significativement associés à un risque augmenté de fracture de localisation ostéoporotique (HR = 1,26 [1,16-1,30]), et de fracture ostéoporotique majeure (HR = 1,26 [1,17-1,35]), comparativement aux patients non sarcopéniques. En analysant séparément les statuts de présarcopénie et sarcopénie, ces deux conditions étaient toujours associées à un risque accru de fractures de localisation ostéoporotique (HR = 1,23 [1,16-1,30] et HR = 1,22 [1,01-1,47], respectivement).
Une augmentation du risque de fractures était également constatée chez les patients non sarcopéniques (force musculaire normale) avec un faible SMI, par rapport aux sujets non sarcopéniques ayant un SMI normal (HR = 1,19 [1,10-1,29]). « Ces patients avec une force musculaire normale, mais une masse musculaire abaissée, répondent à la définition du statut de présarcopénie pour certains auteurs. La mise en évidence d’une augmentation du risque de fracture, dans cette population, fait discuter de l’intérêt d’une mesure systématique de la masse musculaire. Celle-ci pourrait être réalisée chez tous les patients à risque de sarcopénie, y compris ceux ayant une force musculaire normale, afin de mieux prédire le risque fracturaire. Ceci n’est actuellement pas recommandé dans les directives de l’EWGSOP2 », conclut la Dr Jauffret. Une analyse en sous-groupes chez les obèses sarcopéniques, comparativement aux non-obèses non sarcopéniques, n’a pas mis en évidence une augmentation du risque de fracture, mais d’autres études sont toutefois nécessaires.
(1) Beaudart C et al. PLOS One 2017;12 :e0169548.
(2) Cruz-Jentoft et al. Age Ageing 2019;48:16-31.
(3) Jauffret C et al. SFR 2022, abstract 139.
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