Dans les rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC), l’intensité de la douleur n’est pas corrélée à l’activité de la maladie. Un certain nombre de patients souffrant de RIC sous traitement de fond présentent des douleurs persistantes, même lorsque la rémission clinicobiologique semble atteinte.
« La question se pose alors de comprendre le mécanisme sous-jacent de cette persistance de la douleur alors que dans la PR, par exemple, on ne voit plus de synovite. Une des hypothèses formulées dans la littérature, mais qui manque encore de fondement (1), est que les patients développent une sensibilisation centrale, une forme d’autonomisation de la douleur, en l’absence d’inflammation », déclare la Dr Anne-Priscille Trouvin (centre d’évaluation et traitement de la douleur, hôpital Cochin), qui a ainsi mené une étude pour vérifier cette hypothèse. Cet essai, dont la première partie a été présentée l’année dernière au congrès de la Société française de rhumatologie (2), s’est intéressé aux contrôles inhibiteurs descendants (CID) dans les RIC, en prenant l’arthrose pour exemple. « En effet, de nombreux travaux avaient précédemment montré que les CID étaient altérés en cas d’arthrose douloureuse, et restaurés chez les patients ayant bénéficié d’une pose de prothèse. Ainsi, dans la première partie de l’étude, nous avons démontré que les CID étaient dysfonctionnels, chez les patients atteints de RIC actifs sans traitement biologique. Avec cette deuxième partie (3), nous avons voulu savoir ce qui se passait sous anti-TNF, étant donné que des récepteurs au TNF sont présents dans le système nerveux central », précise la Dr Trouvin.
Un dysfonctionnement des voies de modulation
Les résultats montrent que le dysfonctionnement des CID, chez les patients ayant un RIC actif, est corrigé par l’introduction d’un traitement de fond par anti-TNF. L’amélioration des CID, même chez les sujets non répondeurs cliniquement, montre bien l’action de l’anti-TNF sur le système nerveux central. Mais il laisse supposer que la persistance de la douleur, chez les patients en rémission sous anti-TNF, n’est pas entièrement liée à un dysfonctionnement de la modulation descendante.
« Pour les patients, le premier symptôme à soulager est la douleur et non un score d’activité. En pratique, en cas de douleurs persistantes sous traitement de fond, on peut se demander s’il est pertinent de changer de traitement de fond biologique ou s’il ne faudrait pas plutôt réfléchir à une autre prise en charge de la douleur agissant sur ses voies de modulation. Cette étude a mis en lumière des dysfonctionnements des voies de la douleur chez les patients avec RIC, cela plaide pour une plus grande coopération entre rhumatologue et médecin de la douleur à tous les stades de la maladie », conclut la Dr Trouvin.
(1) Trouvin AP et al. Joint Bone Spine, 2022 Oct;89(5):105399.
(2) Trouvin AP et al. Pain, 2022. Aug 3.
(3) Trouvin AP et al. SFR 2022, abstract 594.
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