Vascularite chronique multisystémique, artérielle et veineuse, la maladie de Behçet est une maladie rare, d’étiologie inconnue et de diagnostic difficile. Il n’existe pas de test diagnostique, les aphtes buccaux récidivants sont peu spécifiques et les signes cliniques d’apparition progressive.
Sa prévalence est de l’ordre de 1/100 000 environ en Europe, mais elle est beaucoup plus élevée en Turquie, au Japon, en Chine et dans les pays du Moyen-Orient et Afrique du Nord.
En 2016, des critères pédiatriques de diagnostic ont été définis. Ils sont essentiellement cliniques : aphtose récurrente ≥ 3/an, ulcération ou aphtose génitale typique avec cicatrice, lésions cutanées (folliculite nécrotique, lésions acnéiformes, érythème noueux), atteinte ophtalmique (uvéite, vascularite rétinienne), signes neurologiques et vasculaires (thromboses veineuses ou artérielles, anévrysme artériel).
Chez l’enfant, la maladie de Behçet survient à un âge médian de 8 ans et avec une répartition équivalente entre les sexes. Il existe souvent un retard de diagnostic important. Les garçons ont une maladie plus sévère, avec plus d’atteintes oculaires et vasculaires tandis que les filles ont plus d’aphtose génitale.
Antécédents familiaux plus fréquents
Parmi les facteurs génétiques, le plus fréquemment rencontré est l’antigène d’histocompatibilité majeur de classe 1, HLA-B51 (dans 30 à 60 % des cas de maladie de Behçet, versus 10-20 % en population générale). Des associations avec des gènes de l’IL-10, IL-23R et IL-12RB2 sont également suspectées.
Les antécédents familiaux sont retrouvés, selon les études, dans 9 à 42 % des maladies de Behçet pédiatriques, alors que cette fréquence s’élève entre 2 à 10 % dans les populations adultes.
La prévalence du cluster familial est d’autant plus élevée que la maladie débute tôt (< 10 ans). Les cas pédiatriques se distinguent par une forte agrégation familiale (10 fois plus fréquente que chez les adultes).
Atteintes oculaires insidieuses
Protéiforme, la maladie de Behçet évolue par poussées. Il n’existe pas de parallélisme strict entre les atteintes cutanéomuqueuses et viscérales. Environ 44 % des enfants présentent une fièvre récurrente. En cas de fièvre avec CRP élevée, il faut suspecter une atteinte neurologique ou vasculaire sévère.
Les principales manifestations sont cutanéomuqueuses, associant une aphtose buccale récidivante et parfois génitale douloureuse (aphtose dite bipolaire), une pseudo-folliculite nécrosante (ou une folliculite), une hyperréactivité cutanée (test de Pathergie positif), plus rarement, un érythème noueux.
Les manifestations articulaires sont précoces, parfois inaugurales avec des arthralgies inflammatoires, plus rarement des arthrites (genoux, chevilles). Les destructions articulaires sont exceptionnelles ; parfois, une spondylarthropathie est associée ainsi que des myalgies.
Les atteintes oculaires se manifestent par des poussées inflammatoires (uvéites) pouvant toucher tous les segments de l’œil : uvéite antérieure non granulomateuse, uvéite intermédiaire et postérieure plus insidieuse chez le jeune enfant se manifestant par un flou visuel, des métamorphopsies ou des myodésopsies (mouches volantes), ce qui retarde le diagnostic et aggrave le pronostic. L’atteinte postérieure est quasi constante et expose au risque de cécité.
Les thromboses veineuses profondes peuvent toucher tous les territoires veineux. Elles sont parfois révélatrices de la maladie et souvent récidivantes. L’atteinte artérielle se manifeste par des thromboses ou des anévrismes souvent multiples, siégeant sur les vaisseaux pulmonaires, l’aorte ou les artères périphériques. Il s’agit de la principale cause de décès (30-40 %).
Thromboses veineuses cérébrales et atteinte digestive
Particularité pédiatrique, de 20 à 30 % des enfants ont une atteinte neurologique de type « parenchymateuse », le plus souvent avec atteinte de la substance blanche. Les manifestations cliniques les plus fréquentes en sont les céphalées (> 50% des cas), un syndrome pyramidal uni-ou bilatéral (50-90 %), une ataxie cérébelleuse, et des troubles sphinctériens (25-40 %). Une encéphalite peut avoir un retentissement psychomoteur et causer des troubles du comportement. On retrouve aussi des méningites, des manifestations épileptiques, des troubles sensitifs, etc.
Les atteintes neurologiques peuvent également être « extra-parenchymateuses », à l’origine de thrombophlébites cérébrales et parfois d’anévrismes des artères carotides et vertébrales.
Autre particularité, l’atteinte digestive est fréquente chez les enfants (40 %). Elle se manifeste par des douleurs abdominales isolées, des hémorragies ou perforations.
Traitement spécialisé
Une prise en charge pluridisciplinaire spécialisée dans un centre expert est nécessaire. Les traitements médicamenteux dépendent des manifestations cliniques. Le traitement des atteintes cutanéomuqueuses et articulaires repose en première intention sur la colchicine. Les atteintes plus graves, oculaires, vasculaires ou neurologiques, relèvent d’un traitement immunomodulateur, associant le plus souvent une corticothérapie systémique aux immunosuppresseurs (azathioprine, cyclophosphamide) ou à une biothérapie (anti-TNFα) selon les indications.
Communication de la Dr Caroline Galéotti (Le Kremlin-Bicêtre)
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