L’anamnèse et l’examen clinique sont au centre de la prise en charge initiale de la douleur osseuse localisée chez l’enfant. L’interrogatoire porte sur le caractère aigu (< 8 jours, chutes, traumatismes) ou chronique (> 8 jours), l’horaire de la douleur (insomniante, dérouillage matinal, déclenchée par l’activité), la présence d’une fièvre, l’état général, le terrain (drépanocytose). L’examen clinique permet la recherche de signes associés : boiterie, adénopathie, hépatomégalie, etc.
Les fractures traumatiques en premier lieu
Les fractures traumatiques (en bois vert, en cheveu, etc.) sont une des causes les plus fréquentes à un âge où les chutes sont nombreuses. Les fractures vertébrales sont beaucoup plus rares (ostéoporose cortico-induite, ostéoporose juvénile primitive). L’ostéogenèse imparfaite, maladie osseuse constitutionnelle, doit être suspectée dans un contexte de fractures répétées. Enfin, la maltraitance doit être évoquée à chaque fois que le contexte n’est pas concordant (jeune nourrisson avant l’âge du déplacement et fracture diaphysaire humérale ou fémorale, par exemple) ou en présence d’autres symptômes (ecchymoses, brûlures).
La fièvre, signe d’une infection osseuse
L’ostéomyélite aiguë se retrouve chez le jeune enfant, avec une incidence d’environ 13 cas pour 100 000. Il s’agit d’une infection hématogène qui fait suite à une bactériémie : K. kingae et Streptococcus pneumoniae au niveau des voies aériennes supérieures et Staphylococcus aureus et le streptocoque A au niveau cutané. Dans 50 % des cas, il s’agit d’une infection des membres inférieurs « près du genou, loin du coude ».
C’est une urgence diagnostique et thérapeutique qui implique la réalisation d’un bilan biologique (NFS, VS, CRP, hémoculture) ainsi qu’une radiographie et une échographie centrées sur la zone douloureuse. Le diagnostic est confirmé par une IRM ou une scintigraphie osseuse. Une antibiothérapie probabiliste IV doit être instaurée en urgence, secondairement adaptée aux résultats microbiologiques.
La spondylodiscite, pathologie infectieuse touchant un disque intervertébral est plus rare (0,2/100 000). Elle se caractérise par le refus de la position assise (« signe du pot »).
Penser à la crise vaso-occlusive drépanocytaire
En cas de drépanocytose connue ou si l’enfant est né à l’étranger et non dépisté, la crise vaso-occlusive drépanocytaire sera évoquée. Elle est non fébrile dans sa forme classique, mais peut l’être en cas d’infection virale concomitante ou d’infection secondaire.
La prise en charge est spécialisée : hyperhydratation IV, antalgiques et antibiothérapie IV probabiliste, en cas de fièvre.
Altération de l’état général dans une pathologie tumorale
L’altération de l’état général, l’horaire et l’intensité de la douleur (intense, nocturne, fluctuante), l’examen clinique de la zone douloureuse parfois déformée, et l’association à un syndrome tumoral (adénopathie, hépatomégalie, splénomégalie) font suspecter une étiologie tumorale.
La radiographie standard centrée sur la zone douloureuse est le premier examen permettant d’évoquer une étiologie tumorale osseuse maligne (limites floues, rupture de la corticale, réaction périostée, envahissement des parties molles) ou bénigne (lésions de petite taille, limites nettes).
Un bilan biologique est nécessaire (NFS, frottis, CRP, fibrinogène, acide urique, LDH) ainsi qu’une IRM +/- biopsie.
Les tumeurs osseuses malignes primitives sont essentiellement l’ostéosarcome et le sarcome d’Ewing. Les tumeurs malignes secondaires sont très rares chez l’enfant. Les tumeurs osseuses bénignes (ostéome ostéoïde) sont traitées par chirurgie.
Les hémopathies malignes (leucémies aiguës, lymphomes) peuvent également se présenter avec des douleurs osseuses associées à une fièvre.
L’OCMR, une pathologie inflammatoire osseuse rare
L’ostéomyélite chronique multifocale récidivante (OCRM) est une atteinte inflammatoire essentiellement neutrophilique à la phase précoce. Elle doit être évoquée devant des douleurs osseuses uni ou multifocales, d’horaire inflammatoire, évoluant sur plusieurs semaines.
Une IRM corps entier doit être réalisée. Les AINS sont la première ligne thérapeutique et en seconde intention les anti-TNF alpha ou les bisphosphonates.
Une douleur osseuse le soir, la croissance
Enfin, la douleur osseuse dite de croissance est un diagnostic d’élimination. Un enfant sur 5 est concerné entre les âges de 2 et 8 ans. L’examen clinique est normal, l’enfant présente un bon état général, une absence de fièvre et pas de traumatisme. La douleur prédomine aux membres inférieurs, plutôt chez les garçons, et elle survient exclusivement le soir ou la nuit (jamais le matin).
D’apparition brutale, elle cède spontanément ou après massage.
La moindre anomalie de la présentation doit impliquer un bilan biologique et des radiographies.
Communication de la Dr Héloïse Reumaux (Lille)
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