Un des principaux thèmes du congrès a porté sur le rôle de la MPR dans la pandémie de Covid-19. « Le contexte épidémique a mis à l’épreuve nos services et nous avons dû nous adapter rapidement pour répondre aux besoins des patients infectés par le Covid-19 à tous les stades, mais surtout pour ceux ayant été en réanimation que ce soit pendant leur séjour ou en post-réanimation immédiate », déclare la Pr Isabelle Laffont.
Un SRPR Covid créé en urgence
« Nous avons été amenés à créer très rapidement au CHU de Montpellier, comme dans d’autres CHU en France, un Service de rééducation post-réanimation (SRPR) Covid, grâce à l’entraide et au soutien des soignants d’autres services », révèle la Pr Laffont.
Certains patients, les plus graves, restent parfois plusieurs mois en réanimation avec recours au décubitus ventral. Ils ont besoin d’une rééducation complexe, respiratoire et motrice qui doit débuter le plus tôt possible.
À l’arrivée dans le SRPR, les patients, épuisés, ont des problèmes respiratoires, des troubles de la déglutition, une perte de poids importante et surtout une grande faiblesse musculaire. Les atteintes neurologiques, les troubles cognitifs, confusionnels, anxieux ou dépressifs sont fréquents. Les séquelles peuvent durer plusieurs mois. De nombreux professionnels sont ainsi impliqués dans la prise en charge de ces patients : kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, psychologues, diététiciens… La Haute Autorité de santé, en collaboration avec le Conseil national professionnel de MPR, la Sofmer, la Société de pneumologie de langue française (SPLF) et la Société de réanimation de langue française (SRLF) a publié une réponse rapide (dès le mois d’avril 2020), sur la rééducation/réadaptation des patients atteints de Covid-19 sortis de réanimation.
Au décours du séjour en SRPR, il y a ensuite une phase de rééducation plus traditionnelle dans des services de MPR. Souvent, à leur arrivée, les patients ne marchent plus. Il faut les remettre debout avec des dispositifs spéciaux de rééducation : suspension, robots de rééducation. Ils présentent un déconditionnement majeur à l’effort et les premières séances doivent être faites sous surveillance attentive des paramètres cardiorespiratoires (saturation en oxygène, fréquence respiratoire et cardiaque). « Certains patients désaturent rapidement au moindre effort. La rééducation doit être très progressive et encadrée. Il faut fractionner les séances pour ne pas les épuiser », ajoute la Pr Laffont.
Un arrêt des soins pendant le confinement
Lors du retour du patient à domicile, des programmes de téléréadaptation ont été organisés dans certains centres. « Durant l’épidémie, il est apparu que la téléréadaptation était surtout adaptée pour des patients porteurs de maladie chronique ou vivant avec un handicap, se trouvant du jour au lendemain sans soins », précise la Pr Laffont. Les patients se sont sentis abandonnés, comme l’a notamment montré l’enquête Echo (Enfant confinement handicap besoins), qui a recensé le vécu, les difficultés et les besoins rencontrés par plus de 1 700 enfants en situation de handicap moteur (paralysie cérébrale dans 44 % des cas) et leurs familles pendant le premier confinement. Pour 45 % des parents, le moral de leur enfant a été affecté négativement. De plus, 32 % des enfants ont présenté des troubles du comportement et 23 % des perturbations du sommeil. Près de 55 % des parents ont été mécontents du suivi pendant le confinement. Ils ont dû pallier les besoins de rééducation de leur enfant dans plus de 75 % des cas. Pour 70 % des parents, le confinement a été perçu comme un risque pour la santé de leur enfant et ils ont exprimé la nécessité d’approches innovantes pour la continuité des soins.
L’essor de la téléréadaptation
L’épidémie et les confinements ont accéléré différentes initiatives de téléréadaptation. À Reims, par exemple, le projet EMPR3 d’équipe mobile de rééducation/réadaptation vient de voir le jour. Le Pôle Saint-Hélier à Rennes, à l’initiative de Dr Benoît Nicolas, a mis en place un hôpital de jour numérique afin d’assurer une prise en charge rééducative et réadaptative pluriprofessionnelle et personnalisée au domicile du patient. Ce dispositif numérique vient compléter l’offre de soins en présentiel. Pendant quatre semaines, sur trois jours fixes par semaine, les patients (atteints de lombalgie, maladie de Parkinson ou de sclérose en plaques) participent en présentiel aux séances, puis les autres jours, la rééducation s’effectue à la maison. « Le numérique ne remplace pas le présentiel, il vient en plus, en alternance. L’hybridation des parcours de soins est certainement l’avenir dans certaines situations cliniques », conclut la Pr Laffont.
Entretien avec la Pr Isabelle Laffont (CHU de Montpellier), présidente de la Société française de médecine physique et de réadaptation (Sofmer)
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