Depuis des siècles, dans toutes les cultures, être réglée c’est être impure : souiller le feu, la terre, troubler l’eau, ne pas faire prendre une mayonnaise, faire tourner les cornichons, c’est selon ! On dit aussi d’une femme au moment de ses règles qu’elle est « indisposée » ou « de mauvaise humeur ». Toutes les religions interdisent les rapports sexuels pendant les règles.
Pourtant, les règles pourraient être vues comme un signe positif : de fécondité, de jeunesse, et de féminité.
L’accès à la contraception a rebattu les cartes. Les femmes passaient auparavant de grossesses en grossesses, limitant à 50 les épisodes de règles durant leur vie féconde, contre plus de 450 aujourd’hui ! Parallèlement, les moyens ont de provoquer une aménorrhée thérapeutique ont été développés (endométriose, troubles de la coagulation), d’où la question aujourd’hui : peut-on envisager l’aménorrhée de confort ? « Les règles sont-elles obsolètes ? », c’est la question lancée par les spécialistes Elsimar Coutinho et Sheldon Segal (1). «Les règles sont des événements porteurs de risque, puisqu’elles sont responsables de douleurs, de syndrome prémenstruel, de saignements excessifs », a souligné Nicolas Castaing (Sèvres).
Mais qu’en disent les premières concernées ? Selon différentes études, les femmes montrent un intérêt croissant pour l’abolition des règles. Attention toutefois, 50 % des femmes sous contraception considèrent encore les règles comme indispensables. Mais, en 2004, seules 26 % des femmes allemandes souhaitaient des règles mensuelles (2). Et, en 2006 et en 2013, 99 % des Américaines (3) et 93 % des Brésiliennes (4) manifestaient un intérêt pour l’aménorrhée de confort. Dans le Contraceptive Choice Project, quand elles avaient le choix, 70 % des femmes optaient pour un schéma contraceptif sans règles (6).
« Les femmes souhaitent pouvoir gérer leur calendrier menstruel. La demande évolue plus vers une diminution que vers une disparition des cycles menstruels (5) », a souligné Brigitte Letombe (Lille), qui a déploré le manque d’information des patientes : « Très peu connaissent la différence entre règles et hémorragies de privation ». C’est le rôle des professionnels de santé que de le leur expliquer, et de leur apprendre qu’elles peuvent diminuer la fréquence de leurs règles et ainsi les prévoir au moment où elles seraient le moins gênées.
Atrophie blanche ou rouge
« Les règles visent à éliminer la couche superficielle de l’endomètre sécrétoire afin de préparer une nouvelle nidation. Elles n’ont d’utilité que dans une optique reproductive, a rappelé Christian Jamin (Paris). Les hémorragies de privation obtenues lors de la prise d’œstroprogestatifs en discontinu n’ont qu’un intérêt psychologique ».
Les laboratoires se sont évidemment attelés à répondre à la demande de diminution de fréquence des règles. L’aménorrhée peut être soit causée par une absence d’œstrogènes (il n’y a alors prolifération ni l’endomètre ni des vaisseaux, c’est une atrophie blanche), soit s’il n’y a pas de privation progestative (l’endomètre ne prolifère pas mais les vaisseaux si, c’est une atrophie rouge). Donc la prise de progestatifs en continu permet d’obtenir une aménorrhée normoestrogénique, mais n’empêchera pas les saignements, en raison de leurs effets vasculaires. Le traitement avec œstrogènes reste le plus efficace dans cette optique.
Plusieurs méthodes
« Les contraceptifs sans œstrogènes provoquent toutefois, dans plus de 50 % des cas, une oligo-aménorrhée. Ils sont sûrs et efficaces », a expliqué Nicolas Castaing (Sèvres). Il s’agit des progesterone only pill (POP), comme le désogestrel 5 mcg/jour ; des implants contraceptifs (Nexplanon, étonogestrel 68 mg) ; des dispositifs intra-utérins (DIU) à la progestérone (Mirena, Jaydess, lévonorgestrel). Concernant Mirena, la durée et le volume des saignements vont diminuer avec le temps (70 % d’oligo- ou d’aménorrhée au cours des deux premières années, en faisant un traitement efficace des ménorragies fonctionnelles).
L’arrivée de nouveaux traitements
« L’arrivée sur le marché français de la contraception orale à cycles prolongés pourrait aider encore les femmes ne voulant plus saigner », a indiqué David Elia (Paris). Aux États-Unis, il existe déjà trois formulations de ce type : Seasonale depuis 2003 (84 comprimés associant EE 30 mcg/LNG 150 mcg suivis de sept jours de placebo), Seasonique depuis 2006 (84 jours EE 30 mcg/LNG 150 mcg puis sept jours EE 10 mcg) et Lybrel depuis 2007 (365 jours EE 20 mcg/LNG 90 mcg).
Seasonique a reçu une AMM européenne et elle est désormais commercialisée en France. Elle permet d’obtenir 4 hémorragies de privation par an au lieu de 13.
Au total, face à la volonté des femmes, POP, implants, DIU à la progestérone ou pilule à action prolongée : les contraceptions avec un minimum d’hémorragies de privation ne demandent qu’à se développer.
(1) Coutinho E, Segal S. Is Menstruation Obsolete?, Oxford University Press; october 14, 1999.
(2) Wiegratz et al. Contraception 2004
(3) Contraception 2006
(4) Makuch 2013
(5) Swarewski 2009
(6) Peipert, Obt et gynécol 2012
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