La publication du livre « Les Fossoyeurs » du journaliste Victor Castanet* a fait l'effet d'une bombe. Après l'émoi national et la libération de la parole sur les dysfonctionnements parfois graves dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), le gouvernement se devait d'apporter des réponses.
Après avoir exprimé sa « vive émotion » empreinte « de colère et d'indignation », le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé le 8 mars : « Face à des pratiques contraires à nos principes, contraires à l'idée que nous nous faisons du soin, de l'accompagnement, contraires à ce qu'une société doit à ses aînés, nous devons agir avec détermination et fermeté. »
Si la ministre déléguée à l'autonomie Brigitte Bourguignon a présenté le cap sur le « virage domiciliaire » voulu par le gouvernement - « vieillir chez soi n'est pas une demande extravagante, ça n'est pas un caprice », a justifié Olivier Véran -, c'est bien « un serrage de vis » auprès des Ehpad qui a été au cœur du discours.
Quelques semaines auparavant, au-delà du cas emblématique du groupe Orpea, le jugement était sévère de toutes parts pour l'état des lieux national : qu'il émane des médecins coordonnateurs pointant auprès de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale le manque suraigu de personnel soignant, de la Cour des comptes qui abonde sur le problème chronique des difficultés et de recrutement mais qui appelle également à fusionner les sections soins et dépendance (payées par l'Assurance-maladie et le département) afin de simplifier la tarification et de réduire les disparités départementales, ou encore de l'Académie de médecine qui fait la promotion de la prévention de la perte de l'autonomie dès la mi-vie puis de visites systématiques et régulières au lieu de vie.
Le rapport d'enquête des inspections générales des affaires sociales et des finances (Igas/IGF) enfonce le clou en décrivant la situation caricaturale au sein du réseau Orpea avec « un dépassement récurrent de la capacité d'accueil autorisée » et une rotation des personnels près de « deux fois plus élevée » que la moyenne, sans parler « des grammages de nourriture distribués qui sont sensiblement et systématiquement insuffisants ».
Contrôle de l'ensemble des Ehpad sous deux ans
Face à ces constats sans appel, le gouvernement a annoncé le contrôle de l'ensemble des 7 500 établissements de France au cours des deux ans à venir, alors qu'ils étaient contrôlés en moyenne jusque-là tous les 20 à 30 ans. Lors de son audition à l'Assemblée nationale, l'agence régionale de santé (ARS) Île-de-France avait recommandé de renforcer les contrôles inopinés.
Diligentés par les ARS en lien avec les conseils départementaux, ces contrôles du parc privé et public commenceront par les établissements ayant fait l'objet de signalements. « Plus aucun signalement ne sera laissé sans réponse et sans suivi », lit-on dans le document ministériel. Le gouvernement annonce, en plus du numéro vert 3977 existant, la création d'une plateforme en ligne pour les familles et les professionnels d'ici à 2023.
« Pour recréer la confiance, nous voulons une transparence totale sur les services rendus, sur les tarifs, sur le budget quotidien alloué aux repas et sur toute une série d'indicateurs qui devront être mis à la disposition des résidents et des familles », a listé le ministre de la Santé. Le site pour-les-personnes-agees.gouv.fr sera complété de nouveaux indicateurs : le taux d'encadrement, de rotation des personnels, d'absentéisme, la présence d'une infirmière de nuit et d'un médecin coordonnateur, la date de la dernière évaluation. Chaque Ehpad sera tenu de publier une enquête de satisfaction tous les ans. Les contrôles de la répression des fraudes vont être intensifiés pour lutter contre les pratiques tarifaires abusives.
La qualité de l'accueil évaluée et publiée par établissement
Pour « que la qualité devienne le maître mot », selon les termes d'Olivier Véran, la Haute Autorité de santé (HAS) a accéléré la publication de son référentiel national d'évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux. Le document servira de grille d'évaluation pour les organismes évaluateurs indépendants qui seront à l'œuvre à partir de septembre.
Concernant les Ehapd privés en particulier, la pratique des rétrocommissions ne pourra plus passer inaperçue, sans être interdite pour autant. Les établissements seront tenus d'établir une comptabilité analytique afin de les faire apparaître, et les économies générées devront bénéficier aux résidents et non aux actionnaires. Des contrôles renforcés par l'Igas/IGF sont prévus et les directeurs d'ARS et les présidents des conseils départementaux auront la capacité de faire jouer un pouvoir d'alerte. Dans le cas de l'affaire Orpea, l'État, qui a saisi le procureur de la République, exige le remboursement des financements irrégulièrement employés.
*Éditions Fayard
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