La stéatopathie non liée à l’alcool (NAFLD) n’est pas problématique en soi, mais génére dans 20 % des cas une réaction inflammatoire ou stéatohépatite non alcoolique (NASH). En France, selon l’étude menée sur la cohorte CONSTANCE (2020), la prévalence de la NAFLD est de 16,7 %. Parmi les personnes atteintes, 2 à 3 % auront une fibrose sévère et 1 % une cirrhose, exposant à un risque de carcinome hépatocellulaire (dû dans 25 % des cas à la NAFLD) ou à des complications (insuffisance hépatique, encéphalopathie, rupture de varice, ascite, syndrome hépatorénal). Des projections estiment que le nombre de patients atteints de NAFLD va plus que doubler d’ici 2030. « Considérant l’urgence de la situation, l’Association française pour l’étude du foie (AFEF) a balisé en 2020 le repérage et le diagnostic de la NAFLD, à l’aide de méthodes non invasives. Ces recommandations avaient aussi pour objectif de sensibiliser l’ensemble des médecins aux facteurs de risque de maladie du foie, reconnaît le Pr Victor de Lédinghen (CHU de Bordeaux), coordinateur de ce texte. Les personnes diabétiques, en surpoids ou souffrant d’affections liées au syndrome métabolique, sont particulièrement à risque ».
Un marqueur de première ligne
Selon l’AFEF, la fibrose hépatique doit être évaluée chez tous les patients ayant un ou plusieurs facteurs de risque métaboliques, surtout chez les diabétiques de type 2. En première intention, un marqueur sanguin simple est utilisé : le score d’évaluation de la fibrose FIB-4 fondé sur l’âge, les taux des plaquettes, d’ALAT et d’ASAT, le NAFLD Fibrosis Score, l'eLIFT ou le score de Forns. En cas d’hépatopathie chronique avancée suggérée par le marqueur sanguin simple, un marqueur sanguin spécialisé (Fibromètre, Fibrotest, Enhanced Liver Fibrosis), ou une mesure de l’élasticité hépatique, devra être réalisé en seconde intention. Si ceux-ci sont positifs, une consultation spécialisée doit ensuite être sollicitée. « Le FIB-4 est un très bon test de débrouillage, indique le Pr de Lédinghen. Gratuit, simple et pouvant être calculé automatiquement, il coche toutes les cases d’un test de repérage en soins primaires. Il revient négatif dans 80 à 85 % des cas. Dans les 15 à 20 % de cas restants, il indique un risque de fibrose hépatique et permet d’orienter le patient vers une évaluation incluant un test sanguin spécialisé ou un test d’élastométrie ». Un résultat du FIB-4 en deçà de 1,30 élimine à 93 % le risque de maladie hépatique sévère. Au-delà de 2,67 (20 % des patients), il existe un fort risque de maladie hépatique, avec une valeur prédictive de 66 %. La « zone grise » située entre ces deux valeurs doit inciter à renouveler le calcul du FIB-4. Seul bémol : les tests sanguins spécialisés et l’élastométrie ne sont pas remboursés dans la NAFLD.
Une démarche centrée sur le médecin généraliste
Afin de sensibiliser les médecins généralistes à la maladie hépatique et à son repérage, le CHU de Bordeaux a évalué l’intérêt du calcul automatique du FIB-4 pour le dépistage de maladies sévères du foie, chez des patients non connus pour une telle pathologie (1). Cette expérience s’est relevée positive. « Chez environ 16 000 patients reçus au CHU sur six mois (de septembre 2019 à mars 2020), hospitalisés ou non, le FIB-4 a été calculé systématiquement si les paramètres nécessaires avaient été prescrits, explique Victor de Lédinghen, coordinateur de l’étude. Parmi eux, 60 % avaient un résultat inférieur à 1,3, excluant une fibrose sévère, et 31 % un FIB-4 élevé nécessitant une deuxième étape. Nous nous sommes intéressés aux 1 165 patients dont le score était supérieur à 2,67. Après élimination des 70 % environ de faux positifs et des patients déjà suivis pour une maladie chronique du foie, 356 sujets justifiaient d’explorations plus avancées, dont 44,7 % sont revenus à l’hôpital à cette intention. Pour finir, 40,3 % d’entre eux souffraient effectivement d’une fibrose sévère inconnue, soit 64 patients, et avaient des facteurs de risque. Cette expérience « preuve de concept » démontre non seulement la pertinence de la démarche mais également sa faisabilité. Par ailleurs, cela a permis de repérer les personnes ayant un trouble de l’usage de l’alcool ».
Conçue avec des professeurs de médecine générale de l’université de Bordeaux, cette expérience a été élargie à la région Nouvelle Aquitaine. Le FIB-4 est systématiquement calculé par les laboratoires d’analyse de biologie médicale et figure sur le compte rendu. Sur ce même modèle, une étude multicentrique nationale débutera en 2022 (SCREANIT).
(1) Delamarre A et al. Journées de l’AFEF 2021, abstr CO_10
Article précédent
Avantage à la dissection sous-muqueuse
Article suivant
Les SMS des JFHOD
« Une qualité d’endoscopie optimisée avec l’intelligence artificielle »
Pancréas : des tumeurs à suivre
Quels sont les risques avérés des IPP ?
Alcool : deux millions de consommateurs à risque
L’échographie bientôt incontournable dans les MICI
Cancer de l’œsophage : l’immunothérapie adjuvante change la donne !
Avantage à la dissection sous-muqueuse
Fibrose hépatique : dépister grâce au FIB-4
Les SMS des JFHOD
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024