Monitoring continu durant la grossesse

Une amélioration du pronostic fœtal

Par
Publié le 23/10/2017
Article réservé aux abonnés
PRONOSTIC FOETAL

PRONOSTIC FOETAL
Crédit photo : PHANIE

Les systèmes de monitoring continu de la glycémie, aujourd'hui relativement simples, permettent de l'apprécier en temps réel, d'estimer au plus près la dose d'insuline basale nécessaire mais aussi les doses d'insuline rapide administrées avant les principaux repas voire au réveil. Ils ont déjà largement montré leur intérêt dans les diabètes de type 1 (DT1) en particulier dans ceux difficiles à équilibrer et/ou chez les patients dont les prodromes d'hypoglycémie sont amoindris. Il était donc très tentant de tester leur intérêt chez les femmes enceintes DT1, la grossesse étant per se associée à une variation des besoins en glucose qui complique le contrôle glycémique.

Mesure continue du glucose et bénéfice clinique

Jusqu'ici les quelques données dont on disposait n'étaient pas concluantes. C'est pourquoi une vaste étude internationale, l'étude CONCEPTT, menée dans 31 hôpitaux en Europe au Canada et aux États-Unis a testé chez ces femmes le bénéfice d'un monitoring continu comparativement au monitoring discontinu classique. En fait deux études distinctes ont été réalisées : - l'une chez des femmes ayant planifié une grossesse ; - l'autre chez des femmes enceintes. Et ses résultats publiés dans le Lancet sont sans appel. Les femmes enceintes DT1 bénéficient d'un monitoring glycémique continu à la fois sur le plan de l'équilibre glycémique, le contraire aurait été étonnant, mais aussi en termes de complications néonatales chez les nouveau-nés. Et c'est d'ailleurs, au passage, la première fois que la mesure continue du glucose est associée à un bénéfice clinique. En revanche chez les femmes n'étant qu'au stade de la planification d'une grossesse, le bénéfice n'est pas significatif.

L'étude portant sur les femmes déjà enceintes a inclus 215 femmes dont la moitié sous pompe à insuline l'autre sous insulinothérapie par injections multiples, toutes dans leur premier trimestre de grossesse (unique) et avec un contrôle glycémique suboptimal (HbA1c entre 6,5 et 10 %). Après randomisation, la moitié a été mise sous contrôle glycémique continu, l'autre en restant aux bandelettes, et ceci durant environ 6 mois. Toutes ont bénéficié de séances d'éducation thérapeutique notamment concernant les glycémies au bout du doigt ou la mesure continue des glycémies.

Une glycémie dans la cible

Le critère primaire porte sur le contrôle glycémique et le critère secondaire sur le pronostic fœtal. Or les deux critères sont significativement améliorés avec la mesure en continue.

Sous mesure continue de la glycémie, à 34 semaines de gestation, les femmes enceintes ont tendance à avoir une HBA1c légèrement plus basse mais surtout leurs glycémies ont été plus souvent dans la cible (68 vs 61 % ; p = 0,003) et elles ont eu moins d'hyperglycémies (> 7,8 mmol/l ; 27 vs 32 % ; p = 0,028). Au total, pendant près de deux heures supplémentaires par jour (100 mn) leurs glycémies étaient dans la cible. En revanche, les hypoglycémies sévères et le temps passé en hypoglycémie ne différant pas. Mais coté fœtal, les nouveau-nés des femmes sous mesure continue du glucose ont vraiment un meilleur pronostic. Le taux d'hypertrophie (taille rapportée à l'âge supérieure au 90e percentile) est de 53 vs 69 % (RR = 0,51 ; p = 0,021). En outre seuls 15 % des nouveau-nés ont eu besoin d'une injection intraveineuse de glucose vs 28 % (RR = 0,45 ; p = 0,025). Et seuls 27 % des nouveau-nés vs 43 % ont eu besoin de soins intensifs. (RR = 0,48 ; p = 0,016). In fine « le risque associé aux principaux évènements néonataux est réduit d'environ 50 % », résument les investigateurs.

L'intervention peut en outre être considérée comme relativement efficace puisque, « en pratique clinique, il faut mettre sous monitoring continu seulement 6 femmes pour éviter une hypertrophie, 8 femmes pour éviter une hypoglycémie néonatale et 6 femmes pour éviter une hospitalisation en réanimation néonatale », soulignent les investigateurs.

Des résultats discutés

Pour autant, quelques inconvénients ont été pointés du doigt lors de la présentation en séance plénière. Primo, le bénéfice n'a pas été retrouvé dans le groupe de femmes en attente de grossesse. Secundo, les HbA1c diffèrent peu entre les deux groupes. Par ailleurs, comme le souligne l'éditorial du Lancet accompagnant la publication de l'étude, le groupe sous monitoring continu a bénéficié de plus de visites (formation au système de mesure de la glycémie en continu) et celles-ci peuvent avoir per induit une amélioration du taux d'HbA1c. Mais surtout on ne sait rien dans cette étude de la fréquence des automesures de glycémie dans le groupe glycémie au bout du doigt. Et rien non plus de l'utilisation, ou pas, de la mesure continue durant le travail et la délivrance.

C'est pourquoi, sans même se pencher sur le coût additionnel d'un dispositif de mesure continue, si l'on peut considérer à l'avenir l'utilisation des systèmes de mesure continue du glucose chez les femmes enceintes diabétiques de type 1, avant de considérer cette option comme le gold standard, des études randomisées semblent absolument indispensables.

Pascale Solère

Source : Le Quotidien du médecin: 9612