L’HbA1c bientôt détrônée ?

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Publié le 19/05/2023
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Depuis quelques années, la place de l’HbA1c comme critère de l’équilibre du diabète est régulièrement remise en question. D’autant que les dispositifs de contrôle continu de la glycémie apportent maintenant des éléments plus représentatifs des taux réels de glucose, comme la glycémie moyenne, le temps au-dessus, en dessous, ou à la cible, qui pourraient être de meilleure qualité pour évaluer l’efficacité de la prise en charge.
Glycémie moyenne, TAR et TIR sont très fortement corrélés entre eux, mais relativement peu à l’HbA1c

Glycémie moyenne, TAR et TIR sont très fortement corrélés entre eux, mais relativement peu à l’HbA1c
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

L’HbA1c reste actuellement l’élément incontournable de la prise en charge du diabète et de l’évaluation des traitements antidiabétiques ; mais elle connaît un certain nombre de limites : variabilité interindividuelle du processus de glycation de l’hémoglobine — avec des « glycateurs rapides » et des « glycateurs lents », qui auront des taux d’HbA1c différents pour une glycémie moyenne identique —, précision liée à la durée de vie des globules rouges, déséquilibre entre la participation de la glycémie des trois derniers mois, qui compte pour la moitié de la valeur, et celle remontant à trois à quatre mois, qui pèse toujours pour 10 %, sans oublier les nombreuses situations cliniques, ou l’effet de certains médicaments, qui peuvent faire sur- ou sous-estimer sa valeur.

De plus, l’HbA1c ne fournit aucune information sur l’exposition aux hypoglycémies, ni sur la variabilité glycémique, toutes deux associées à des résultats indésirables. Elle est également lente à évaluer la réponse aux modifications thérapeutiques, ce qui peut retarder l’optimisation des niveaux de glycémie. « Malgré ces limites, l’HbA1c est restée le mètre étalon, en l’absence d’une alternative fiable, note le Pr Ramzi Ajjan (Leeds). Mais ce n’est plus le cas, avec l’utilisation accrue de la surveillance continue de la glycémie, qui propose d’autres marqueurs, pouvant combler ces lacunes. »

Revenir aux mécanismes des complications

On cherche, depuis un certain temps, à remplacer, ou au moins à associer à l’HbA1c, d’autres critères plus immédiats, comme ceux fournis par le suivi continu de la glycémie : glycémie moyenne, temps dans la cible (TIR) et temps au-dessus de la cible (TAR). Ils sont aisés à appréhender, par les praticiens comme les patients, et fournissent un relevé fiable des niveaux de glucose : peu affectés par les modifications des hématies, ils évaluent rapidement la réponse à l’introduction ou la modification des traitements antidiabétiques. « À mon sens, la glycémie moyenne, le TIR et le TAR doivent être maintenant considérés comme supérieurs à l’HbA1c pour l’évaluation de l’efficacité thérapeutique », affirme le Dr David Rodbard, Potomac (1).  

On sait que l’HbA1c est corrélée avec le TIR, et tous deux sont associés au risque de complications à long terme. De nombreux experts jugent que celui-ci pourrait, et devrait, être substitué à l’HbA1c comme critère déterminant pour l’obtention de l’AMM des nouvelles molécules, des divers dispositifs, et plus généralement de toutes les interventions visant à lutter contre le diabète.

Il faut ajouter qu’il est généralement admis que c’est la glycémie moyenne qui constitue la base des principaux mécanismes pathogéniques sous-tendant les complications à long terme du diabète (2). Elle pourrait donc constituer le meilleur critère d’évaluation des thérapeutiques. Or, si elle est étroitement corrélée au TAR et au TIR (de façon plus marquée avec le TAR), elle l’est peu à l’HbA1c, qui est aussi faiblement reliée au TAR. À noter : l’HbA1c n’est corrélée au TIR que pour une glycémie moyenne située entre 0,7 et 1,8 g/l.

« Afin de mieux préciser les relations entre ces différents éléments, nous avons réanalysé les corrélations entre TAR, TIR, glycémie moyenne et HbA1c provenant de neuf études, incluant 545 personnes atteintes de diabète de type 1 [DT1], 5 910 de diabète de type 2 [DT2], et 98 femmes atteintes de DT1 pendant la grossesse ou le post-partum (1). Les données étaient fournies par les relevés de la MCG, avec un TIR décompté entre 0,7 et 1,8 g/l, et un TAR au-dessus de 1,8 g/l », explique le Dr Rodbard. La glycémie moyenne affiche le taux le plus élevé de corrélation avec le TAR (r = 0,98 en DT1, 0,97 en DT2), une corrélation sensiblement plus faible avec le TIR (r = -0,73 dans le DT1, -0,83 en DT2) et l’HbA1c (r = 0,78 en DT1). Le TAR et le TIR sont fortement corrélés (r = -0,96 dans le DT1, -0,91 dans le DT2).

Après six mois d’utilisation de la MCG pour adapter le traitement chez les personnes atteintes de DT1, les variations de la glycémie moyenne étaient plus fortement corrélées avec les variations du TAR (r = 0,95) qu’avec les variations du TIR (r = -0,85) ou avec les modifications de l’HbA1c (r = -0,47). La glycémie moyenne, le TAR et le TIR sont donc très fortement corrélés entre eux, mais relativement peu avec l’HbA1c. Le TAR montre une meilleure corrélation avec la glycémie moyenne que le TIR.

À noter que, chez la femme atteinte de diabète pendant la grossesse ou le post-partum, les résultats sont identiques (3).

« Les données provenant de ces neuf études sont probantes : la glycémie moyenne est la mesure la plus fiable pour évaluer la qualité du contrôle glycémique, suivie par le TAR puis le TIR, mesurés par la MCG. Il ne semble pas, a priori, nécessaire de convertir la glycémie moyenne en une estimation de l’HbA1c, telle que la procure l’indice indice de gestion du glucose [lire aussi p. 32] », conclut le Dr Rodbard.

Évaluer la variabilité glycémique

Les données de la MCG pourraient être de meilleurs critères que l’HbA1c, à la fois dans la pratique clinique, et pour les futurs essais thérapeutiques. « Les études devraient aussi prendre en compte la variabilité glycémique, en s’appuyant en premier sur les modifications de la glycémie moyenne, puis sur l’évolution du TAR, du TIR et éventuellement celle de l’HbA1c, plus valable que la seule mesure de l’HbA1c », ajoute le Dr Rodbard.

Ces critères pourraient être associés à des données de sécurité, évaluant le risque d’hypoglycémies telle que le temps sous la cible (TBR pour time below range), ou le nouvel « index de faible glycémie » (LBGI pour low blood glucose index), fondé sur la fréquence et la sévérité des épisodes d’hypoglycémie, qui pourrait être un des meilleurs facteurs prédictifs d’hypoglycémies sévères (4).

Exergue : Des indices plus aisés à appréhender, pour les praticiens comme pour les patients

Sessions « Times in ranges » et « Practical issues in daily life of people » 

(1) Beck et al, Diabetes Sci Technol. 2019 Jul;13(4):614-26

(2) Varghese et al, Diabetes Technol Ther. 2021 Aug;23(8):555-64

(3) Ling et al, Diabetes. J Clin Endocrinol Metab. 2021 Oct 21;106(11):e4309-17

(4) Rodbard D. Diabetes Technol Ther. 2021 Oct;23(10):692-704

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin