La prothèse de hanche, et également celle du genou, restitue une interface de mobilité fonctionnelle au moyen d’un couple de surfaces articulaires.
En Amérique du Nord, c’est le couple de surfaces prothétiques métal-polyéthylène qui est majoritairement utilisé. Soit, au niveau de la hanche, une pièce creuse pour le cotyle (insert) en polyéthylène, en général hébergée au sein d’une cupule métallique. La pièce hémisphérique lui faisant face, portée par une tige fémorale et qui va s’articuler avec la surface cotyloïdienne restaurée, est métallique.
L’Europe, quant à elle, a préféré favoriser l’usage des couples céramique/céramique ou céramique/polyéthylène.
Les taux de succès dans les deux continents sont très comparables. Les habitudes prises aux États-Unis tiennent à des implantations dans une population en général plus volontiers en surpoids et également plus friande d’activités sportives. Dans cette population, lors des expériences initiales, des fractures de céramiques s’étaient produites, incidents à présent rendus rarissimes, mais laissant persister quelques réticences d’usage.
L’usage du polyéthylène s’accompagnait initialement d’une usure sur la durée : les débris générés produisaient une ostéolyse de voisinage, compromettant la tenue même de la prothèse. C’est pourquoi la mise au point, et l’introduction, il y a plus de vingt ans, d’un nouveau polyéthylène hautement réticulé, peu exposé aux phénomènes d’usure, a constitué une évolution radicale de cette chirurgie déjà dotée d’une excellente réputation dans la population.
La persistance, dans le temps, de la qualité du résultat de cette chirurgie reste en effet obligatoirement un objectif central.
La persistance dans le temps de la qualité du résultat est un objectif central
Implantations sans ciment
L’usage du ciment méthyl-méthacrylate permet le scellement opératoire immédiat des pièces prothétiques durant l’intervention. Cependant, cette interface de cohabitation harmonieuse entre la prothèse et le squelette s’avère porteuse d’une certaine fragilité dans la durée. C’est pourquoi la recherche a développé des implants favorisant l’ostéo-intégration, c’est-à-dire se passant du ciment.
Ce succès concerne pour l’instant essentiellement la hanche, pour laquelle de nombreuses implantations, tant pour le cotyle que pour le fémur, parviennent à se passer du ciment. Cette démarche exige une technique chirurgicale encore plus méticuleuse et codifiée, et des implants encore mieux adaptés à cette anatomie de symbiose os/prothèse.
Cette adoption du « sans ciment » permet à la fois un gain de temps opératoire et une plus grande facilité de reprise ultérieure, en cas de nécessité de changement de la prothèse. Il lui est reproché un plus fort risque de fracture, en raison de l’ajustement au plus près de la pièce prothétique avec son squelette récepteur.
Exigeant, le « sans ciment » raccourcit le temps opératoire et facilite la reprise
Stabilité améliorée
L’usage de registres des prothèses implantées (introduit au départ par les pays scandinaves, aux systèmes d’assurance de santé très centralisés) a permis de rassembler des bases de données de grande taille sur le devenir des prothèses posées.
Pour la hanche, un point de vigilance persistait sur la survenue de luxations : bien que rare, de l’ordre de 1 à 2 %, cet incident n’en demeure pas moins conséquent. Il est plutôt le fait des implantations par voie postérieure, et/ou des patients neurologiques, et/ou démusclés. La mise au point de prothèses mieux stabilisées, dites « à double mobilité », a constitué une avancée significative : cette invention française est à présent adoptée dans le monde entier.
Des reprises moins approximatives
Que ce soit à court ou à plus long terme, après une chirurgie prothétique, il est toujours possible qu’une chirurgie de reprise ou de révision soit nécessaire, qu’elle qu’en puisse être la raison : descellement de la prothèse (perte de solidarité prothèse/squelette), instabilité, défaut mécanique, infection etc.
La reprise consiste en l’implantation d’une nouvelle prothèse, après ablation de celle qui est défectueuse. Cette procédure laissait traditionnellement aux équipes chirurgicales un sentiment de solution de compromis. L’idée était en effet établie que la prothèse de « deuxième intention » n’arriverait jamais à la perfection technique d’une implantation de première intention, sur un squelette vierge. Cette ère semble à présent partiellement révolue ; la chirurgie de reprise s’est acharnée à reproduire les objectifs de qualité d’une implantation primaire, soit par des artifices technologiques (robotique et/ou navigation d’assistance interventionnelle, usage d’implants personnalisés développés en tridimensionnel, usage de greffes et/ou substituts osseux, etc.), soit par une chirurgie mieux maîtrisée et codifiée (meilleure formation d’équipes de plus en plus spécialisées).
Cette transformation et l’optimisation de la méthodologie chirurgicale de reprise prothétique sont aussi bien apparentes en matière de prothèse de hanche que de prothèse de genou.
L’environnement de l’operé·e
La prise en charge proprement dite de l’opéré·e constitue également un élément significatif des progrès accomplis dans la chirurgie prothétique et ce, que ce soit en pré, per ou post-opératoire.
Dès la programmation du projet chirurgical et des visites anesthésiques préopératoires, des protocoles d’information, de préparation et d’accélération de la récupération fonctionnelle articulaire prothétique sont mis en place. En peropératoire, outre l’usage de diverses anesthésies locorégionales, celui de l’acide tranexamique est devenu quasi systématique ; par ses effets antihémorragiques, il réduit considérablement les pertes sanguines durant l’intervention. La gestion et le contrôle des phénomènes douloureux postopératoires font appel à tout un arsenal d’analgésies multimodales, incluant des blocs nerveux sensitifs locorégionaux et des cocktails antalgiques-anti-inflammatoires de plus en plus personnalisés, permettant d’esquiver les opiacés, occasionnellement générateurs d’addictions.
Une dynamique industrielle internationale
On ne peut conclure ce survol des nombreux progrès accomplis tous azimuts sans s’intéresser aux déterminants de cette dynamique. Il apparaît de toute évidence qu’elle est le fruit d’une collaboration internationale assortie d’échanges d’informations scientifiques, favorisés par les publications spécialisées et/ou les congrès. Les inventions, autrefois cantonnées à une école chirurgicale donnée ou à un institut de recherche nationale, se propagent à l’ensemble de la planète, souvent par l’intermédiaire de l’industrie, accompagnée de son marketing efficace. Citant la boutade du fameux gangster nord-américain William Sutton des années trente, à qui le FBI demandait « Pourquoi attaquez-vous les banques ? », et qui répondait naïvement « C’est là que se trouve l’argent », le Pr Daniel Berry souligne le rôle favorable de l’industrie ; cette dernière, tournée vers les profits financiers, propose aux chirurgiens des dispositifs constituant une solution innovante aux problèmes médicaux qui les préoccupent. La communauté chirurgicale, parfois en collaboration avec l’industrie, est toujours à l’affût de la solution élégante et simplifiée d’une situation chirurgicale insuffisamment résolue. Par la suite, c’est la réflexion et l’expérience collectives qui valideront ou non l’offre industrielle, dérivée elle-même de l’invention individuelle.
C’est ainsi qu’émergèrent des solutions françaises par la suite diffusées au monde entier : la prothèse de hanche à double mobilité, la prothèse dite inversée d’épaule, etc.
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