L'étude franco-canadienne PRODIGE 24/CCTG PA.6, coordonnée par le Pr Thierry Conroy, a inclus 493 patients après exérèse chirurgicale d'un adénocarcinome du pancréas, randomisés pour recevoir soit la chimiothérapie adjuvante de référence depuis plus de 10 ans, la gemcitabine, soit le protocole FOLFIRINOX modifié (5 FU, irinotécan, oxaliplatine).
Deux tiers des patients en vie à 3 ans
Les résultats de l'essai ont été rapportés prématurément compte tenu du bénéfice apporté par le mFOLFIRINOX mais les inclusions étaient terminées (1). En effet, à 3 ans, la survie sans progression (critère principal) était multipliée par deux (deux patients sur cinq sans récidive parmi ceux traités par mFOLFIRINOX versus un sur cinq sous gemcitabine). Parallèlement, la survie globale à 3 ans était significativement augmentée (deux tiers versus moitié des patients en vie à trois ans). Les résultats à 5 ans sont vivement attendus.
Les effets indésirables sévères étaient plus importants avec le mFOLFIRINOX (75 % vs 52 %) mais restaient gérables et la balance bénéfice/risque était sans contexte en faveur du mFOLFIRINOX. Les diarrhées étaient plus nombreuses (19 % vs 4 %), mais classiques, sous irinotécan surtout après un curage ganglionnaire et ont été réduites en diminuant la dose d'irinotécan. Des neutropénies ont également été observées (souvent sans gravité, la plupart des patients recevant des facteurs de croissance granulocytaires), ainsi que des mucites, des nausées/vomissements, une fatigue et des neuropathies régressant à l'arrêt du traitement.
Un protocole prometteur
Les molécules utilisées dans le protocole mFOLFIRINOX sont bien connues en cancérologie digestive où l'éventail thérapeutique est assez réduit. Le 5 FU est une drogue majeure utilisée depuis plus de 50 ans; l'oxaliplatine et l'irinotecan ont été développés à la fin des années 1990. Le protocole FOLFIRINOX avait déjà apporté des résultats extrêmement intéressants dans les cancers colorectaux métastatiques, avant d'être comparé à la gemcitabine d'abord dans les cancers du pancréas en situation métastatique où il se montrait très nettement supérieur, puis dans les cancers localement avancés inopérables (protocole NEOPAN en cours coordonné par le Pr Michel Ducreux).
« Le protocole mFOLFIRINOX devrait devenir le traitement de référence dans la population de l'étude PRODIGE 24, chez des patients opérés d'un cancer du pancréas avec des suites opératoires relativement simples et en bon état général, explique le Pr Jean-Baptiste Bachet, une population bien sélectionnée puisqu'on sait que les résections de cancers du pancréas sont grevées de 3 à 9 % de mortalité postopératoire et de 30 à 40 % de complications sévères ».
Idéalement le protocole doit être instauré entre 6 et 8 semaines après la chirurgie, au maximum dans les trois mois. Il dure 6 mois, à raison d'une séance tous les 14 jours en ambulatoire. Le patient repart avec un « infuseur » diffusant la chimiothérapie, qui est retiré à domicile après deux jours. Il n'y a pas de recommandations formelles en France sur la surveillance des cancers du pancréas. Cependant, on peut proposer un suivi basé sur la clinique, la biologie, les marqueurs tumoraux (si élevés avant l'intervention) et l'imagerie (TDM ou échographie), tous les 3 mois pendant 2 à 3 ans puis tous les 6 mois jusqu'à 5 ans.
D'après un entretien avec le Pr Jean-Baptiste Bachet (La Pitié-Salpêtrière, Paris)
(1) Conroy T. et al. « FOLFIRINOX or Gemcitabine as Adjuvant Therapy for Pancreatic Cancer ». N Engl J Med 2018;379:2395-406.DOI: 10.1056/NEJMoa1809775
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