La prévalence du cancer a doublé au cours des trente dernières années. Aujourd’hui, en France, trois millions de personnes vivent avec cette maladie. La lourdeur des traitements et des complications de la maladie concerne les patients, mais aussi leur partenaire. La prévalence des dysfonctions sexuelles après cancer diffère selon la partie du corps concernée : certaines localisations exposent davantage à des troubles sexuels. C’est notamment le cas avec les cancers pelviens (prostate, rectum, vessie, corps ou col de l’utérus) et celui du sein. « Néanmoins, quel que soit le type de cancer, dans plus de 25 % des cas les patients décrivent une atteinte de leur sexualité », affirme le Pr Éric Huyghe, urologue et andrologue au CHU de Toulouse.
L’étude nationale Vican 2, réalisée sur plus de 4 000 individus des deux sexes, s’est intéressée à la qualité de la vie (notamment sexuelle) deux ans après un cancer. D’après les résultats, assez homogènes selon le sexe et le type de cancer, une majorité continuent à avoir des troubles sexuels, en particulier de la libido. La fréquence des rapports est diminuée chez 50 % des hommes et 41 % des femmes, entraînant souvent une insatisfaction. Celle-ci était particulièrement marquée chez les personnes ayant eu un cancer pelvien, du rectum, de la prostate, de la vessie, du sein ou concernant la sphère gynécologique.
Une question trop souvent éludée
L’information est un des paramètres clés : quand le patient vient d’avoir le diagnostic, une information sur les éventuelles conséquences des traitements du cancer sur la vie sexuelle peut suffire à éviter un certain nombre de troubles (notamment psychogènes et dans la relation de couple). « Elle permet au patient d’être proactif, pour tenter d’éviter ou de diminuer les conséquences des traitements sur sa sexualité », affirme le Pr Huyghe.
Mais l’étude Vican 2 met justement en avant le manque d’information des patients sur ce sujet : 40 % d’hommes et 60 % des femmes interrogées ne se souvenaient pas avoir été informées des risques concernant leur sexualité. « Dans le groupe cancer du sein, pratiquement aucune femme n’avait été informée des conséquences des traitements du cancer sur leur vie intime », déplore le Pr Huyghe.
Il est vrai qu’aborder la question de la sexualité dans le cadre de la prise en charge oncologique n’est pas simple. « Délivrer une information objective au moment du diagnostic du cancer n’est pas toujours facile, car le médecin a envie de convaincre son patient de se faire traiter. Le risque est de lui faire des promesses qui ne pourront être tenues. Ce qui aboutirait à une déception d’autant plus grande, et pourrait même compromettre la confiance envers le médecin », souligne le Pr Huyghe. Toute la difficulté, pour l’oncologue, est donc d’informer son patient de façon loyale sur les risques des traitements, tout en favorisant son adhésion au projet de soin.
L’enjeu de la formation
Les actions d’information, de conseil, de prise en charge des troubles sexuels doivent se concevoir tout au long du parcours personnalisé de soins et dès l’annonce : « D’après une étude que nous avons menée à l’Oncopole de Toulouse sur près de 200 patients devant débuter une radiothérapie (quelle que soit la tumeur primitive), entre l’annonce du cancer et le début du traitement, 30 % des patients qui étaient sexuellement actifs deviennent inactifs, et 30 % ont des rapports moins fréquents. Après l’annonce, une période de vulnérabilité en matière de sexualité s’installe donc rapidement », précise le Pr Huyghe. Et une autre étude, menée dans le service d’oncologie médicale du CHU de Toulouse, montre que pendant la phase du traitement du cancer, seuls 20 % des patients ont une sexualité inchangée.
Les équipes médicales doivent donc identifier très tôt les personnes à risque, en particulier celles qui ont des troubles sexuels préexistants. « Le manque de temps des professionnels de santé, le manque de connaissances sur la santé sexuelle après cancer et sur la manière d’aborder ces questions expliquent le fait que les patients ne sont pas toujours bien informés. La formation des équipes soignantes en oncologie aux troubles sexuels et à leur prévention est essentielle, insiste le Pr Huyghe. Dans la prise en charge des troubles sexuels, il faut être proactif auprès du patient, mais aussi auprès du partenaire, qui est souvent en souffrance avant, pendant et après le traitement du cancer de son conjoint. »
Communication du Pr Éric Huyghe, urologue et andrologue au CHU de Toulouse
Article précédent
Aider les patients à revisiter leur sexualité
Article suivant
Virilité n’est pas masculinité !
Une amélioration significative du désir avec la CMP
Aider les patients à revisiter leur sexualité
Informer les patients au plus tôt
Virilité n’est pas masculinité !
Mieux prendre en charge les couples infertiles
Des pistes pour une sexualité harmonieuse
Des pistes pour aider les victimes à se reconstruire
L’interdit sexuel préconjugal, et après ?
Le lit lesbien bouge encore
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024