« La question du rapport à l’autre à travers la sexualité est marquée par une grande ambivalence. Car, s’il est acquis qu’on dispose librement de soi-même, dire que l’on est propriétaire de son corps est un contresens : cela peut conduire à l’idée que quelqu’un peut le voler, explique le Dr Pierre Lamothe, psychiatre à Lyon. Une violence qui s’exprime dans le domaine de la sexualité peut ainsi être le signe d’une violence plus large sur l’autre, d’un désir de dominer l’autre. À l’inverse, une violence qui a toutes les apparences d’une violence non sexuelle (harcèlement au travail sans séduction) peut avoir des soubassements sexuels. »
La violence sexuelle ne serait donc pas toujours une affaire de sexualité. Elle n’est pas non plus forcément liée à la réalité des faits, mais au ressenti de chacun. Elle fait intervenir au minimum deux personnes ayant chacune une histoire, une façon antérieure de s’équilibrer d’un point de vue psychique. Deux personnes devant adopter un nouveau parcours pour retrouver un équilibre de vie compatible avec leur passé.
Un statut parfois vécu comme ambigu
« De façon paradoxale, lorsque nous discutons avec les victimes de violences sexuelles, nous observons que celles qui ont pu être précédées d’une relation laissent davantage de séquelles psychiques. Dans le cas de violences sexuelles sans relation préalable, le statut de victime est clair », analyse le Dr Lamothe. Il n’y a pas d’ambiguïté sur le fait que la victime n’a pas choisi la situation. À l’inverse, « quand une femme n’a pas réussi à refuser les avances d’un homme, qu’elle a accepté de prendre un verre avec lui et de lui ouvrir les portes de son appartement, elle se demande souvent, et pendant longtemps, ce qu’elle aurait pu faire pour stopper la situation, souligne-t-il. Cette ambiguïté interne conduit parfois la victime à une position défensive ou agressive, radicalisant son statut de pure victime face au pur auteur, qui va lui interdire toute possibilité de retour et de réconciliation avec elle-même. »
Des stratégies de protection variées
Les victimes de violences sexuelles font appel à de multiples stratégies pour se protéger. Certaines indiquent qu’elles ne peuvent pas parler de ce qui s’est passé, même si elles en ont envie, comme l’a constaté le Dr Lamothe : « C’est un moyen de garder en apparence un équilibre interne. Le fait de garder le silence ou de parler de tout autre chose leur permet de geler les associations mentales liées aux violences sexuelles dont elles ont été victimes. » Outre le mutisme, d’autres réactions sont souvent observées : révolte, provocations et conduites à risque, notamment chez les jeunes, voire masochistes… « La gestion par la personne de ce qui lui est arrivé et l’accueil que nous allons lui réserver sont les prémices de la prise en charge. Nous devons, très vite, préparer sa prise de parole pour lui éviter de subir passivement son traumatisme. L’évaluation clinique doit permettre d’étudier les circonstances de l’agression, le contexte socio-affectif, les éventuels handicaps relationnels antérieurs et les vulnérabilités de la victime. Nous essayons de comprendre la manière dont s’est construite sa personnalité, son identité sexuée. Notre travail consiste à aider les victimes à changer ce qu’elles peuvent dans leur vie et à accepter ce qu’elles ne peuvent pas changer pour retrouver un équilibre », conclut le Dr Lamothe.
Communication du Dr Pierre Lamothe, psychiatre à Lyon
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