En pratique, insister sur le rôle néfaste du tabac et de l’obésité

Clarifier la place des pilules de 3e génération

Publié le 07/01/2013
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LE QUOTIDIEN : Quel a été l’enjeu de développer des pilules œstroprogestatives de 3e génération ?

DR MARIÉ-SCEMAMA : Les pilules de 3e génération ont été développées pour diminuer les conséquences métaboliques liées à l’augmentation des concentrations de cholestérol et de triglycérides, mais également de diminuer la prise de poids et l’acné, plus fréquente avec les premières générations et de mieux contrôler le cycle menstruel notamment en cas de syndrome prémenstruel. On est donc passé de 100 microgrammes pour les toutes premières générations de pilules œstroprogestatives qui ne sont plus disponibles, à 50 puis 30, 20 et 15 microgrammes.

N’a-t-il jamais été question de risque de cancer ?

Non, on n’a jamais évoqué de risque de cancer du sein sous pilule quelle que soit la génération, à l’inverse, il est prouvé que le risque de cancer de l’ovaire est moindre. Nous avons aussi des arguments en faveur d’une diminution du risque de cancer du côlon.

Pourquoi les progestatifs ont-ils aussi changé à chaque nouvelle génération d’œstroprogestatif ?

Le rôle de l’œstrogène, en l’occurrence, de l éthynil oestradiol (EE) qui est présent dans les C1G, C2G et C3G*, est de maintenir le cycle. C’est le progestatif, antigonadotrope, qui empêche l’ovulation. Quand on baisse les doses d’EE , il faut parfois changer de progestatif en raison du risque de saignement sous pilule. Les progestatifs des pilules de C3G, le désogestrel, le gestodène et le norgestimate, ont permis d’associer de faibles doses d’œstrogènes, en gardant un meilleur contrôle et une meilleure tolérance des cycles.

La HAS mentionne aucune différence de tolérance entre les trois générations. Qu’en pensez-vous ?

Dans mon expérience, les 3e générations sont mieux tolérées. Elles limitent la prise de poids, l’acné et permettent d’améliorer l’observance puisqu’elles peuvent être prises sur une durée plus longue (24 jours) en y associant un placebo pour les 4 autres jours. Cela va diminuer les oublis. Les études ont également montré un moindre risque artériel par une action favorable sur les paramètres lipidiques ce qui rend très paradoxal le procès qu’on leur fait aujourd’hui. D’ailleurs, si le risque thromboembolique artériel et veineux est plu élevé comme on le laisse entendre, le déremboursement n’est pas la bonne option, il faut faudrait aller jusqu’au bout du raisonnement et les interdire.

En pratique, comment prescrivez-vous une première contraception orale ?

La pilule contraceptive se prescrit face à une patiente, que l’on interroge, que l’on examine, que l’on revoit, que l’on suit. Les risques artériels et veineux sont évalués au cours d’un interrogatoire minutieux. En général, je prescris d’emblée un contraceptif pour une durée 3 mois afin d’éviter le risque de grossesse et demande à la patiente de revenir à l’issue de ces trois premières plaquettes avec un bilan glucidolipidique, et si j’ai décelé un risque familial de thrombophilie ou de syndrome antiphospholipides, avec le dosage de certains facteurs de coagulation. La première fois, je prescris une C2G, en accord avec les recommandations de la HAS. Ce n’est que lors de la 2e consultation qu’il est légitime d’en changer pour une C3G si la tolérance est mauvaise.

Dans certaines circonstances comme le post-partum, très à risque thromboembolique, les progestatifs purs ont un intérêt. Ne pas oublier les DIU ; malgré une idée très répandue, les stérilets ne sont pas réservés aux nullipares. Il existe aussi des pilules à base d’œstrogène naturel, l’estradiol, associé à un progestatif qui malheureusement ne sont pas encore remboursées. Elles présenteraient moins de risque thromboembolique artériel ou veineux sans pour autant que l’on puisse les prescrire en cas de contre-indications.

Selon vous, y a-t-il eu une banalisation de cet acte de prescription ?

Bien sûr, et c’est une erreur supplémentaire que de vouloir confier les délivrances ou renouvellements aux pharmaciens et voire même aux sages femmes. Le suivi est indispensable.

Au final, que faut-il penser des risques des C3G ?

Le risque de maladies thromboemboliques artérielles ou veineuses est infime chez une femme en bonne santé ne présentant pas de risque cardiovasculaire ou veineux personnel ou familial.

Il faut insister sur le rôle néfaste du tabac, de l’obésité et même de l’âge supérieur à 35 ans. Ce risque d’accident peut également dans un pourcentage moindre survenir en cas de prise de C2G ; ils surviennent au maximum pendant la 1ere année de prise. Il est inutile d’arrêter une C3G si elle est bien supportée pour en changer car le risque redevient entier avec la nouvelle prescription. Enfin, la grossesse est elle-même un facteur de risque thromboembolique veineux majeur.

Propos recueillis par le Dr Anne TEYSSÉDOU-MAIRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9207