D’une manière générale, peut-on dire qu’il y ait de vraies différences entre la droite et la gauche en France sur la politique de santé ?
Claude Le Pen. Il y a plus de différences idéologiques que de différences politiques en ce sens où la politique doit composer avec le réel. Plan Juppé, loi Aubry, loi de 2004 de Douste-Blazy, la loi HPST et maintenant la loi santé de Marisol Touraine… Dans le fond, quand on regarde depuis 1990 les politiques de santé, on constate qu’il n’y a pas vraiment de rupture. Il y a bien un processus d’étatisation qui a été amorcé par le plan Juppé avec la création des ARH, la loi de financement de la Sécurité sociale, etc. Autre exemple : c’est la gauche qui avait proposé le médecin référent et c’est la droite qui a mis en place le médecin traitant. Les politiques des deux camps sont dans une certaine continuité si l’on prend les grands enjeux. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de différences idéologiques. La gauche a plutôt une image plus sociale ou environnementale de la maladie et moins strictement biologique que la droite. Elle met moins l’accent sur la « responsabilisation » de patients, se méfie de la médecine libérale et fait davantage confiance aux institutions comme l’hôpital.
Le projet de loi de santé de Marisol Touraine porte-t-il, selon vous, la marque d’une politique de gauche ?
C. L P. Ce qui pourrait marquer à gauche ce projet c’est la généralisation du tiers payant. Mais encore une fois je ne suis pas sûr qu’un gouvernement de droite ne l’aurait pas fait. Mais sans doute autrement ! L’ACS (aide à la complémentaire santé, Ndlr), par exemple, a été créée par la droite dans le cadre de la loi de 2004. Pour revenir au tiers payant, l’intérêt pour un gouvernement, c’est de faire une mesure sociale populaire et gratuite ! Elle ne coûte rien à l’Etat. La vraie réforme sociale, ça a plutôt été l’instauration de la CMU en 1999 qui a permis aux patients les plus pauvres d’être pris en charge à 100%. Avec, c’est vrai, quelques abus. Je comprends, par ailleurs, la crainte des médecins sur la partie administrative car cela va être compliqué à mettre en œuvre, mais je ne crois pas que cela va accroître le nombre de consultations car encore une fois la population qui va accéder au tiers payant n'a jamais été contrainte à rationner sa consommation de santé. Je ne crois donc pas à l’effet inflationniste.
Les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont-ils encore des marges de manœuvre pour réformer le système de santé ?
C. L P. Le problème de la politique de santé d’aujourd’hui, on peut le résumer entre politique de prix contre politique structurelle. Avec la première, il s’agit de faire baisser les tarifs des professionnels de santé, des médicaments ou de limiter les budgets des hôpitaux mais pas réellement mettre en place un parcours de soins ou revoir la carte hospitalière. Les autres réformes structurelles – prévention, complémentarité ville-hôpital... – cheminent, pour l’instant, très lentement. Parce qu’il n’y a pas forcément de consensus, mais aussi parce que cela demande un courage politique au-delà de ce que peuvent faire les ministres de la Santé successifs, et pas seulement Marisol Touraine.
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