Vos droits sociaux progressent-ils aussi vite que vos charges ? À la lecture de ses derniers avis de cotisations retraites, plus d’un généraliste a dû se poser la question. De fait, en matière d’IJ ou de maternité, il y a eu des progrès ces dernières années. Mais il reste du chemin à faire pour égaler les droits des salariés. Un objectif brandi par certains de vos représentants. Chiche ?
Peut mieux faire… À l’aube de 2013, on pourrait décrire la protection sociale des médecins libéraux comme un chantier… inachevé. Certes, ces dernières années ont donné lieu à des avancées notables comme l’alignement du congé maternité des libérales sur celui des salariées. Cependant l’égalité avec d’autres catégories sociales – ne serait-ce qu’avec les confrères hospitaliers – semble encore inatteignable. Certaines catégories, comme les jeunes et les femmes, paraissent plus exposées que les autres aux aléas de la vie. Dans la dernière Lettre de la CARMF, Gérard Maudrux n’hésitait pas à évoquer à ce propos « le massacre des innocents », citant les femmes à temps partiel, les retraités actifs et les jeunes remplaçants qui croulent sous les charges (voir aussi notre article sur la facture 2013 de la CARMF). Et pour quelles garanties ? Car, accident, maladie, grossesse, vieillissement ne touchent pas que les patients… Sur tous ces points, des pistes, échafaudées par vos représentants, existent pour améliorer la situation.
Maladie : trop de carences, pas assez de droits
Tous les experts vous le diront. Si la prévoyance obligatoire des médecins libéraux est indispensable, elle n’est pas suffisante. « Il faut avoir une couverture supplémentaire », met en garde le vice-président de la CARMF, Jean-Yves Léopold. Pour Jean-Paul Hamon (FMF), la couverture sociale des médecins est « simplement désastreuse ». Les libéraux, au contraire des PH qui reçoivent intégralement leur salaire dès leur premier jour d’arrêt en cas de longue maladie et n’ont qu’un seul jour de carence en cas de maladie ordinaire, doivent par exemple attendre trois mois pour leurs IJ ! Ainsi, explique Michel Chassang, « les libéraux se voient obligés de cotiser également à une assurance complémentaire facultative ». En outre, souligne le président de la CSMF, le montant de leurs indemnités journalières correspond à « la moitié » de leurs revenus, soit, selon ses estimations, une fourchette comprise entre 1 885 et 3?770 euros mensuels.
À regarder les évolutions récentes, on a parfois l’impression que ça ne s’arrange pas. Alors qu’auparavant tous les médecins libéraux étaient logés à la même enseigne, le montant des prestations varie désormais en fonction de leurs revenus. Claude Leicher parle d’un « recul ». Le président de MG France s’inquiète notamment pour la première tranche, celle des praticiens dont le BNC est inférieur au plafond de la Sécu (37 032 euros en 2013) et dont le montant des IJ a automatiquement baissé. « Les premières victimes de cette injustice sont les jeunes en début d’activité et les femmes travaillant à temps partiel », déplore-t-il.
La création de ces trois classes était pourtant censée être une avancée. C’est ce que soutient Yves Léopold, qui explique qu’elle avait pour but «d’établir un rapport entre prestations et revenus » et « permettre aux petits revenus d’avoir moins de charges ». Le vice-président de la CARMF vante également les bienfaits d’un nouveau dispositif qui aurait permis de faire baisser le nombre de professionnels invalides. Calqué sur le modèle du mi-temps thérapeutique des PH, l’Allocation de Retour Progressif à l’Activité (ARPA) autorise les médecins arrêtés de reprendre une activité en douceur tout en continuant à percevoir leurs IJ. Tandis que le « Contrat d’engagement thérapeutique » vise, lui, à remettre sur les rails les médecins souffrant de pathologies psychiatriques et addictives en faisant sauter le délai de carence de 90 jours.
Faut-il s’arrêter à ces améliorations ponctuelles ? Pour la CSMF, les médecins qui perçoivent des honoraires opposables devraient purement et simplement « avoir les mêmes droits que les salariés ». Le SML n’est pas du même avis. Des ajustements, oui, « mais pas au prix de notre liberté ». Enfin, chez MG France on propose d’améliorer le système « soit en augmentant les cotisations du régime maladie-invalidité, soit en créant un nouveau régime d’indemnisation spécifique dont l’adhésion serait, cette fois-ci, volontaire ».
Maternité : la longue marche des femmes généralistes
Le congé maternité est un acquis relativement récent pour les médecins libéraux. Avant 1982, en effet, médecin était un « métier d’homme », raconte Nicole Bez de MG France, et le congé maternité n’existait pas. Cette année-là, les conjointes de médecins obtiennent l'assimilation aux femmes d'artisans et de commerçants et se voient octroyer des IJ pour leur grossesse. Un cas de figure étendu directement aux femmes médecins. Mais si la situation des femmes médecins libérales s’est aujourd’hui sensiblement améliorée, c’est surtout grâce à la réforme de 2006 qui a permis de calquer leur congé maternité sur celui des salariées. Toutefois, tout n’est pas si rose, les sommes allouées aujourd’hui aux femmes médecins (un forfait de 3 086 euros et des IJ de 50,72 euros par jour) ne suffisant visiblement pas à les inciter à s’installer en libéral. Quoique non négligeable, cette somme n’est pas suffisante pour assumer les charges de fonctionnement du cabinet.
« L’allocation maternité est versée à toutes les femmes médecins, qu’elles soient remplaçantes, internes ou installées, explique Nicole Bez de MG France, mais les internes et les remplaçantes n’ont pas de frais de cabinet… » Même en cas de grossesse pathologique, les femmes qui se retrouvent dans l’obligation d’arrêter de travailler au risque de mettre en péril leur grossesse, ne touchent pas d’IJ jusqu’au 91e jour d’arrêt. « Nous souhaiterions que, dans ce cas, les femmes médecins puissent toucher leurs IJ à partir du premier jour d’arrêt et que ce soit la Sécu qui nous indemnise », revendique Nicole Bez.
Reste qu’entre une médecin généraliste et une PH qui perçoit l’intégralité de son salaire pendant son congé maternité, il n’y a pas photo. La CSMF demande donc que les secteur 1 aient les mêmes droits que les salariées. Roger Rua (SML) voudrait lui aussi que ses consœurs soient « mieux prises en charge », la maternité des femmes médecins étant, pour lui, « un problème de santé publique ». Quant à MG France, même si le syndicat n’a pas réussi à faire inscrire dans le PLFSS 2012 son Avantage supplémentaire maternité (ASM, égal à un demi-plafond de la Sécu par mois d’arrêt), pour les installées secteur 1, on continue d’y croire.
Retraite : Le poids de la compensation, le choc des cotisations
Un taux de remplacement plus faible que chez les confrères salariés, des charges supplémentaires au titre de la compensation. On pourrait résumer ainsi la dissymétrie qui caractérise encore les droits du médecin libéral retraité. Pas juste Les avis sont partagés. « Le médecin est obligé de contracter une assurance retraite complémentaire. C’est une injustice par rapport aux hospitaliers ! », râle le patron de la CSMF. Pour sa part, Gérard Maudrux voit plutôt l’inéquité dans le montant « excessif » mis à la charge des médecins libéraux au titre de la solidarité nationale : selon lui, plus de la moitié du montant des cotisations du régime de base filerait ainsi financer les régimes d’autres professions ! En revanche, le président de la CARMF relativise la faiblesse des pensions. Certes, celles-ci ne sont pas très élevées, en comparaison des revenus des médecins en activité… et des taux de remplacement constatés chez les salariés de revenus comparables ! Mais, il fait remarquer que les cotisations versées par les praticiens sont aussi globalement « moins élevées » que celles des salariées et versées pendant une période moins longue.
Les médecins libéraux de secteur 1 peuvent toutefois se targuer d’un avantage par rapport aux salariés et il est de taille : une grande partie de leurs cotisations – les deux tiers – est prise en charge par la Sécu. Même si cette participation ne date pas d’hier et a été reconduite dans la dernière convention, d’aucuns crient au loup. Attention, alerte ainsi le patron de la CARMF : « Ce n’est pas un acquis ! »
Autre motif de préoccupation évoquée par les syndicats : la situation propre aux médecins retraités actifs. Tous proposent d’« alléger » les charges de ces confrères qui cotisent à perte. À l’exception de MG France qui préfère se pencher sur l’insuffisance des retraites des médecins libéraux, notamment des femmes, qui ont demandé pendant leur jeunesse ou leur maternité une dispense partielle des cotisations et se retrouvent aujourd’hui avec des trimestres non validés.