Par Fabienne Desseux
– Il a été considéré qu’au-delà de quatre-vingts ans, les rapports sexuels n’étaient plus une priorité. Excusez-moi de vous dire ça de cette façon, mais à votre âge, on est davantage tourné vers Dieu que vers la gaudriole !
Regardez, vous avez toutes les raisons d’être heureuse. Par exemple, vos enfants. Ils ont réussi dans la vie. Ils sont riches, en bonne santé, et votre fille vous a même donné trois petits-enfants.
– Mes enfants sont des cons ! Ma fille est une écervelée qui – à cinquante ans – ne songe qu’à se refaire les seins pour que son mari ne la quitte pas. Quant à mon fils… c’est un arriviste qui a mis sur le carreau des centaines d’employés pour se remplir les poches. Une véritable ordure, si vous voulez tout savoir ! Je vous épargne mes petits-fils qui ne viennent me voir que pour estimer le temps qu’il me reste à vivre et savoir quand ils toucheront le pactole.
– Malgré tout, votre vie est satisfaisante, insiste l’homme de science. Le test est formel. Vous avez votre maison au bord de la mer, une vie sociale active et votre santé est vraiment bonne. Même si, je vous l’accorde, on peut enlever quelques points par-ci par-là, votre score reste toujours au-dessus de la moyenne.
Dans une moue dubitative, la vieille dame semble reprocher au praticien son manque de clairvoyance. Elle se dit que finalement, il est grand temps d’éduquer le chenapan.
– Je vous le répète. Votre test est tronqué car il manque l’essentiel.
– Le sexe…
– Le sexe, le cul ; coucher, faire, baiser, s’envoyer en l’air, tirer un coup, caramboler, niquer, passer à la casserole… Oui, jeune homme, il manque tout ça à votre questionnaire ! J’ai la fleur qui se dessèche, le con qui se rabougrit, j’ai besoin d’être arrosée, moi ! Malgré mes rides, mes fesses flasques et mon ventre avachi, j’ai encore envie de me faire farcir !
Rougissant comme une pucelle sous le flot du vocabulaire fleuri de l’octogénaire, l’analyste reste sans voix. Il lui semble impossible de convaincre cette nympho en tweed de signer son test 43B. Il lui faudra pourtant impérativement son paraphe. Non seulement pour valider le fait qu’il a bien rempli sa mission, mais surtout pour empocher la prime « Aptitude au bonheur ». Au-delà de quatre-vingt-dix pour cent de satisfaction, chaque chercheur perçoit une somme non négligeable. Et il en a bien besoin…
– Si je comprends, bafouille la blouse blanche, il suffirait que vous… fassiez la bête à deux dos pour admettre le bien-fondé du test ?
– Tout juste, mon garçon.
***
Une demi-heure plus tard, sous le soleil déjà haut, la petite dame ressort en trottinant du bâtiment de la Délégation locale du bonheur. Le sourire aux lèvres, elle attrape dans son sac un papier déjà bien froissé.
S’asseyant sur un banc tout proche, elle revoit une fois encore la liste des délégations implantées sur tout le territoire. Cent vingt-huit au total.
C’est son cousin qui lui a expliqué l’histoire de la prime au bonheur qui est versée aux cliniciens…
Elle n’a écumé que son département ; il lui reste encore une bonne centaine d’antennes à visiter.
De quoi tenir jusqu’au bout.
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