Les grands voyages commencent tous par un pas, dit le proverbe. Dans mon cas personnel, l’aventure qui allait changer ma vie commença par une convocation au siège de World of Running, magazine qui m’employait régulièrement en ma qualité de médecin du sport fraîchement diplômé pour rédiger les articles de leur rubrique Santé. Jean-Paul, le rédacteur en chef, voulait que je fasse un reportage sur une histoire extraordinaire qui défrayait les réseaux sociaux : l’histoire d’un coureur qui se prétendait capable de ralentir son rythme cardiaque jusqu’à l’arrêt total lors de courses d’endurance. Ce qui aurait dû passer pour un simple canular avait titillé la curiosité de Jean-Paul et il voulait que je mène l’enquête sur place. Je n’hésitai pas longtemps avant d’accepter, alléché par la perspective du voyage qui s’annonçait. En effet, d’après les informations de Jean-Paul, le mystérieux coureur qui flirtait avec la mort habitait la Mongolie.
Il ne fallut qu’une semaine pour boucler les préparatifs du voyage. L’auteur de l’article qui avait créé le buzz, un dénommé Chuluun, avait accepté ma demande d’interview avec enthousiasme et offrait de m’héberger pendant mon séjour en Mongolie. Il m’apprit que le coureur qui flirtait avec la mort appartenait à son peuple, une tribu nomade de l’ethnie Braga. Pour étayer la véracité de ses dires, il m’avait fait parvenir l’enregistrement d’une montre-cardiofréquencemètre portée par le coureur pendant une course de 4 heures. Ces données montraient clairement une diminution du rythme cardiaque jusqu’à atteindre l’arrêt complet au bout de 3h30, et ce pendant quatre minutes. Il remontait ensuite régulièrement jusqu’à la fin de l’effort. Pour aussi claires qu’elles fussent, ces données ne suffisaient pas à dissiper mon scepticisme : l’appareil avait très bien pu dysfonctionner ou avoir été ôté du poignet du coureur au moment critique.
À vrai dire, ma conviction était claire depuis l’énoncé du problème : courir en état d’arrêt cardiaque était une absurdité pour des raisons évidentes liées à la perte de conscience et au manque d’oxygénation musculaire. En attendant la date de mon départ et afin d’étayer mon reportage, je m’étais néanmoins renseigné sur toutes sortes de sujets « satellites » : l’entraînement des apnéistes visant à ralentir leur métabolisme, les techniques de méditation capables de plonger dans un état de vie ralentie… mais ces pratiques nécessitaient une absence totale d’effort et ne m’avançaient pas beaucoup. Non, la question à laquelle il me fallait répondre était : quel était le but de cette fabrication ? Le peu d’informations que je pus rassembler sur les peuples de l’ethnie Braga les décrivait comme des éleveurs nomades vivant des produits de leurs troupeaux : quel intérêt pouvait avoir Chuluun à les faire passer pour des coureurs de l’impossible ?
C’est la tête pleine de rêves et d’interrogations que je prenais place dans l’avion pour la Mongolie. Au moment de débrancher mon téléphone, je vis qu’un message de Jean-Paul patientait dans ma messagerie. Il disait ceci :
« … Je voulais t’avertir : j’ai fait des recherches de mon côté et je suis tombé sur un livre qui parle des Bragas du nord de la Mongolie. Ils sont décrits comme une dangereuse secte religieuse. Appelle-moi dès que tu peux, je pense qu’il vaudrait mieux qu’on se renseigne davantage avant de t’envoyer là-bas. »
Quelques minutes plus tard, l’avion décollait.
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#4 La course
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# 2 : Le voyage
#1 Le mystère
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