Nombreux sont les installés (dont les maîtres de stage) à nous interroger à cette période sur ce sujet. Et en miroir, nombreux sont les remplaçants un peu initiés à se poser une question fiscale décisive : « le médecin remplacé, qui m’a hébergé, nourri et/ou prêté sa voiture déclarera-t-il à l’administration fiscale les avantages en nature qu’il m’a ainsi « offerts » ? Suis-je dans l’obligation d’ajouter ces avantages en nature à mes recettes brutes lors de ma propre déclaration de revenus ? Si oui, pour quels montants ? À partir de quels barèmes ? »
Quels sont les enjeux ?
Exemples des AN (Avantages en Nature) les plus courants : toute fourniture d’hébergement, de repas, de voiture, de carburant, etc., permettant au remplaçant ou au stagiaire de faire l’économie de dépenses professionnelles ou privées qu’il aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa mission.
Certes, si vous êtes installé, rien ne vous oblige à déclarer les AN concédés à vos remplaçants ou vos stagiaires. Mais c’est de bonne gestion de récupérer une partie des coûts générés par leur déduction en frais professionnels. Par contre, si vous êtes remplaçant, les AN dont vous bénéficiez constituent un élément de votre rémunération, à déclarer en sus de vos rétrocessions d’honoraires, même s’ils vous sont fournis… à votre insu. Et c’est ici que les ennuis commencent car les intérêts de l’installé et du remplaçant apparaissent a priori diamétralement opposés. D’autant que les montants en cause peuvent vite atteindre des sommets.
Pour quels montants ?
Voici le rappel des plafonds fiscaux 2021 des AN : un repas = 19,10 € ; une nuitée + un petit-déjeuner = 68,50 € à Paris (et 92, 93 et 94) et 50,80 € dans tous les autres départements métropolitains ; pour le logement, on retient soit la valeur locative réelle, soit un maximum mensuel de 201,70 €/pièce (à proratiser si besoin). Ces plafonds publiés chaque année par le législateur ouvrent donc une possibilité d’AN de plus de 1 000 € pour quelques banals remplacements en un seul trimestre.
Qu’en est-il alors pour des remplacements longs, ou très réguliers ? Tout cela ouvre la voie, au moment déclaratif, au printemps suivant, à tous les écarts possibles et imaginables, surtout si les AN sont déclarés sans concertation avec le ou les remplaçants. Nos observations de terrain montrent que de nombreux médecins remplaçants n’envisagent même pas la question des AN ! D’où les déconvenues fiscales qui les attendent parfois, potentiellement jusqu’à plus de trois ans après les faits, car -jadis négligé- le contrôle des déclarations d’AN par le fisc est devenu efficace depuis quelques années du fait de leur dématérialisation totale. Précisons que la clé d’identification permettant les recoupements est le numéro SIRET du remplaçant, exigé depuis de nombreuses années par l’Ordre sur tous les contrats de remplacements.
Deux particularités
● Depuis le 01/01/2015, tout AN inférieur ou égal à 1 200 € par an et par bénéficiaire n’a plus à être déclaré par l’installé à l’administration fiscale pour conserver son caractère de dépense professionnelle déductible. Il suffit de garder trace de sa facturation réelle ou de son estimation forfaitaire.
● Le stagiaire bénéficiant d’AN par son maître de stage libéral n’a pas à les déclarer en sus de son salaire, au contrat du médecin remplaçant, car son maître de stage n’est pas son employeur.
Penser à une attestation fiscale de remplacement
Pour éviter tout dérapage et par loyauté déclarative réciproque, il est nécessaire que remplaçant et installé s’accordent sur la question des avantages en nature en amont du remplacement. Et rédigent en fin de remplacement une « attestation fiscale de remplacement » dont voici le modèle. « Je soussigné, Dr Installé, atteste m’être fait remplacer par le Dr Remplaçant durant l’année 2021 et lui avoir rétrocédé la somme de ...... €, — à l’exclusion de tout avantage en nature (rayer la mention inutile), ou — auxquels viennent s’ajouter ...... € d’avantages en nature (rayer la mention inutile). Fait à ..... le ..... ”. Attestation suivie des signatures de l’installé et du remplaçant.
Ne pas négliger la gestion préventive des AN par le remplaçant
Mais l’attestation écrite n’étant pas entrée dans les mœurs, le remplaçant n’a aucun intérêt à laisser l’installé surestimer la valeur réelle des AN. C’est pourquoi, nous conseillons vivement au remplaçant, d’estimer de son propre chef la valeur des AN dont il a bénéficié et de déclarer unilatéralement cette valeur. Ainsi, en cas de demande d’éclaircissement du fisc, il aura la preuve qu’il a rempli son obligation déclarative (rétrocessions + AN), qu’il n’existe pas d’attestation signée par les parties et enfin que le litige doit se situer sur les niveaux divergents d’estimation des AN, et non sur une fraude ou omission de sa part.
L’argument de l’estimation de la valeur réelle des AN par le remplaçant, sur des bases bien plus réalistes (et à son avantage) sera alors fiscalement tout à fait recevable, puisque le remplaçant l’aura préalablement déclarée. Car une nuitée dans le studio de garde du cabinet médical, ou dans la chambre de bonne de sa résidence, n’aura pas coûté au remplacé un forfait élevé basé sur « l’étape » du deux ou trois étoiles local. Ou si c’est le cas, le fisc exigera du remplacé qu’il en apporte la preuve. Dans ces conditions, le redressement risque fort d’être pour l’autre partie car la charge de la preuve (difficile à apporter) lui incombera.
Une question ? Un avis ? = > pascal.lamperti@media-sante.fr
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