UN MARCHÉ assurantiel peu transparent, des primes en constante augmentation, une sinistralité qui va augmenter et toucher toutes les disciplines, y compris paramédicales : dans son premier rapport remis à Roselyne Bachelot l’été dernier, Gilles Johanet, missionné sur le sujet par le ministère de la Santé, concluait que le statu quo n’avait que trop duré en matière de RC médicale.
Son second rapport est très attendu. Les chirurgiens et obstétriciens libéraux espèrent y trouver une solution à leur problème d’assurance (voir encadré). Chargé d’étudier la piste de la mutualisation du risque médical lourd, Gilles Johanet a de nouveau consulté les assureurs et les médecins. Qui, en croisant leurs informations, se font une idée assez précise des conclusions auxquelles est parvenu l’ancien directeur de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM).
L’idée repose sur la création d’un fonds. Un pot commun chargé d’indemniser les accidents graves au-delà d’un certain seuil, par exemple 3 millions d’euros. Rétablir l’équité entre les différentes spécialités guide la réflexion : aujourd’hui, un gériatre, à faute similaire, versera 25 fois moins d’indemnités qu’un obstétricien, simplement parce que son patient n’a plus la vie devant lui. Deux hypothèses sont envisagées pour financer ce fonds. Soit les assureurs jouent le jeu de la transparence. Les professionnels de santé s’acquitteraient dans ce cas d’une petite cotisation forfaitaire – une quinzaine d’euros par individu et par an, à la louche, pour l’ensemble des médecins et des paramédicaux libéraux (370 000 personnes au total). Soit le marché de la RC médicale reste la nébuleuse que l’on sait (les règles de provisionnement sont obscures et les cotisations encaissées sont trois fois supérieures aux indemnités versées). La constitution d’un pool de coassureurs pourrait alors être préconisée. À charge pour les assureurs d’abonder directement le fonds, en prélevant sur les cotisations de leurs sociétaires. Si les assureurs s’y opposent, l’écrêtement serait suggéré en dernier recours. Ce qui reviendrait à basculer sur la solidarité nationale (l’ONIAM) la prise en charge du risque médical lourd.
Des arbitrages délicats.
Xavier Bertrand, dès sa nomination ministérielle, a promis d’intervenir rapidement sur le dossier. Son cabinet détient les conclusions de Gilles Johanet depuis la fin janvier. Le second rapport Johanet, nous dit-on, ne connaîtra pas le même sort que le premier : il sera rapidement publié et suivi d’arbitrages. Le contexte politique a changé depuis le départ de Roselyne Bachelot. Xavier Bertrand est chargé de reconquérir les médecins libéraux, on l’imagine mal enterrer le dossier. Pour autant, quelles sont ses marges de manœuvre ? Sur sa route, les assureurs – attachés à leur liberté tarifaire – et Bercy – soucieux de ménager un influent lobby – font front commun. S’il veut limiter le coût de l’assurance pour les médecins, Xavier Bertrand devra en outre convaincre l’assurance-maladie d’augmenter l’aide qu’elle leur verse dans le cadre de l’accréditation.
Les arbitrages, à ce stade, ne seraient pas arrêtés. Selon le SYNGOF (gynéco-obstétriciens), le ministre ferait des annonces avant les cantonales (le 1er tour a lieu le 20 mars). Il aurait validé l’idée des accoucheurs, qui souhaitent que l’assurance ne leur coûte pas plus de 5 000 euros par an, aide de la Sécu déduite. Face à la levée de boucliers de syndicats comme MG France et la CSMF, qui refusent que tous les praticiens payent pour une minorité de spécialistes concernés par le risque lourd, le ministre de la Santé aurait en outre indiqué qu’il n’entendait pas faire porter la mutualisation sur tous les médecins. Pris dans l’étau, Xavier Bertrand dispose de peu de temps pour déminer ce conflit intragouvernemental. Les chirurgiens et les obstétriciens libéraux, sentant que la partie va se jouer prochainement, maintiennent la pression. Le syndicat Le BLOC n’exclut pas un nouvel appel à l’arrêt de toute activité opératoire cet été en l’absence de solution pérenne.
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