10 ans après la naissance du DES de Médecine Générale, l’intersyndicale des internes en médecine générale a conduit une vaste étude sur le ressenti des internes en médecine générale quant à leur formation. Le but étant d’évaluer la capacité de celle-ci à les préparer au métier de généraliste. Et le constat, qui sera présenté au congrès de l’ISNAR-IMG le 30 janvier à Toulouse, est sans appel : malgré un bon niveau général, les internes réclament davantage d’ambulatoire au cours de leurs trois ans d’internat, mais majoritairement pas un internat plus long.
La médecine générale a beau être devenue une spécialité à part entière, la formation qui l’accompagne reste malgré tout trop hospitalo-centrée. C’est du moins le ressenti majoritaire des internes en médecine générale. D’après l’enquête de l’ISNAR-IMG, qui a sondé 1 508 d’entre eux, issus des promotions ECN 2009 à 2013, les futurs généralistes demandent davantage de stages en ambulatoire.
Alors qu’ils ont, depuis 2004, un internat sur six semestres, les internes en médecine générale ne sont tenus qu’à un seul semestre obligatoire en ambulatoire. L’étude montre que beaucoup en réclament le triple, avec une moyenne de 2,73 stages. 45,9 % plaident, en effet, pour une formation avec trois stages en ambulatoire, 29,3 % pour deux stages, et même 17,3 % pour quatre stages. « Globalement, on constate que nos internes sont insuffisamment exposés à l’ambulatoire : insuffisamment tôt et insuffisamment aussi en quantité », souligne Pierre-Antoine Moinard, président de l’ISNAR-IMG. « On se retrouve avec des internes qui font de l’ambulatoire pour la première fois très tard et qui paniquent un peu les premières semaines. Car ils se retrouvent face à des demandes très différentes de l’hôpital. ça s’apprend, mais ça ne peut s’apprendre qu’en ambulatoire », ajoute-t-il.
Surfant sur ces résultats, qui seront présentés le 30 janvier à son Congrès de Toulouse, l’ISNAR-IMG préconise donc de recentrer le DES de médecine générale justement sur ce cœur de métier. Et de demander de rendre obligatoire le stage en responsabilité (SASPAS) que certains effectuent aujourd’hui lors de leur semestre libre. A contrario, l’ISNAR-IMG propose d’ôter le caractère obligatoire du stage en CHU au cours du troisième cycle qui leur impose une pratique bien souvent éloignée du quotidien d’un généraliste. Le but étant à terme, dans le cadre de la réforme du troisième cycle dont on parle, d’amorcer un « virage ambulatoire » majeur, 50 % des stages se faisant alors dans la spécialité ou sur le lieu de la spécialité.
Ne pas faire plus mais faire mieux
Plus d’ambulatoire, moins d’hôpital ? Il n’y a d’ailleurs pas d’autres solutions si l’on veut prendre en compte l’autre souhait formulé par une majorité d’internes qui ne jugent pas nécessaire de rallonger la formation sur quatre ans pour l’aligner sur le format des autres spécialités. 55 % d’entre eux se déclarent ainsi contre le rajout d’une quatrième année. « Les IMG ne nourrissent aucun complexe du fait que leur internat soit plus court que pour les autres spécialités », explique Pierre-Antoine Moinard. Parmi les 44 % qui souhaiteraient jouer les prolongations, la majorité (58,1 %) motive cette demande par le souhait d’une formation plus complète. Et beaucoup sont des internes qui souhaitent s’inscrire à un Diplôme d’études spécialisées complémentaires (DESC) pour exercer à terme à l’hôpital. Rien de surprenant puisqu’ils réalisent déjà une quatrième année à l’hôpital. À l’ISNAR-IMG on n’est en tout cas pas favorable au passage à quatre ans d’internat pour la médecine générale. Une position qui promet des débats animés puisque, de leur côté, les généralistes enseignants du CNGE réclament une année supplémentaire...
À l’ISNAR, on estime que le problème n’est pas de donner plus de temps aux futurs généralistes pour se former, mais de faire mieux. À ce titre, l’ISNAR-IMG se félicite d’ailleurs de voir prochainement la création d’un DES de médecine d’urgence et de gériatrie, actuellement groupées avec la médecine générale. Cela doit « permettre de recentrer notre formation sur la médecine ambulatoire », souligne ainsi l’Intersyndicale qui juge la spécialité un peu plombée par le fait qu’elle compte dans ses rangs trop d’internes qui ne se destinent pas à la médecine générale. D’après l’étude, ils ne sont que 65,6 % à s’imaginer exercer la médecine générale alors que 20,5 % souhaitent faire un DESC et se destinent donc davantage à l’hôpital. Pourtant l’étude révèle que cette proportion diminue au cours des trois ans (ils sont 27 % de cet avis lors de l’amphi de garnison) et particulièrement après la réalisation du stage en ambulatoire. L’ISNAR-IMG en conclut aussi qu’il est essentiel de continuer le travail de présentation de la médecine générale en direction des étudiants du 2e cycle.
C’est dire, une fois encore, l’importance du stage chez le praticien. L’enquête de l’ISNAR montre qu’il a un impact considérable sur l’aisance des internes. À commencer par la pratique de certains gestes techniques. Ainsi l’étude montre par exemple que pour la réalisation des frottis, 86,27 % de ceux qui en ont effectué au cours de leur stage praticien sont à l’aise avec ce geste contre 5,83 % pour ceux qui ne l’ont pas fait. Même chose pour leur comportement face à une situation aiguë ou vitale en médecine générale : 64,83 % se disent à l’aise après leur stage contre 19,05 % pour ceux qui ne l’ont pas fait. Enfin, le même constat peut être fait si l’on évoque l’éducation thérapeutique du patient : 77,93 % contre 11,98 %. L’annonce d’une maladie grave restant une des situations les plus délicates à gérer pour un interne : seuls 41 % de ceux qui y ont déjà été confrontés se sentant à l’aise contre 9 % des autres.
Des lacunes sur les gestes techniques
Au-delà, l’étude montre qu’il existe, de toute façon, des carences au niveau de la formation de certains gestes techniques. Les actes de gynécologie, pourtant essentiels dans la pratique du généraliste, sont parmi les premiers concernés. Si 84 % ont déjà réalisé un frottis, seuls 31,8 % ont déjà posé un stérilet. Et, même à la fin de leurs six semestres, 57 % des internes ne l’ont jamais fait. De même, la moitié d’entre eux n’ont jamais posé d’implant contraceptif sous-cutané et ils sont toujours 32,10 % dans ce cas à la fin de l’internat. « Sur la connaissance scientifique les IMG sont très bien formés, il n’y a pas de souci », constate Pierre-Antoine Moinard. « En revanche, il y a de vraies lacunes sur le savoir-faire. Pour la gynécologie ou la pédiatrie, notamment, le vrai problème, c’est la disponibilité du terrain, il est très difficile à l’heure actuelle d’obtenir un stage de gynécologie en ville », observe le chef de file de l’ISNAR-IMG, qui souhaite donc favoriser la réalisation de stage de pédiatrie et de gynécologie en ambulatoire. La formation pratique pêche aussi sur les infiltrations articulaires. Arrivés à la fin de leur internat, 62,46 % des internes n’en ont jamais réalisées.
Autre surprise de ce sondage : les gardes en ambulatoire, domaine presque inexploité au cours des trois ans de formation. Seuls 13,9 % d’entre eux ont, en effet, réalisé des gardes en ambulatoire au cours de leurs stages. À l’ISNAR, on n’est finalement pas plus surpris que ça par ce constat : pas inscrite au programme de formation théorique, la formation à la PDSA souffre d’un manque de cadre juridique et assurantiel sur le statut de l’interne en garde et aussi d’une absence de rémunération prévue à la fois pour l’interne et le maître de stage. En revanche, les internes sont incollables sur ce qui devrait constituer un des piliers de la médecine de demain : la coordination des soins et le travail interprofessionnel. Les compétences des autres professionnels de santé n’ont plus de secret pour une immense majorité d’entre eux, qu’il s’agisse des infirmiers (96 %), des pharmaciens (91 %) ou des kinésithérapeutes (89 %). Et, bien sûr, cette proportion va en augmentant après qu’ils aient réalisé leur stage chez le praticien.
Mal préparés à l’installation
Bons sur la pluridisciplinarité, les internes sont, en revanche, médiocres sur tout ce qui touche de près ou de loin à la gestion du cabinet. Qu’on en juge par ces quelques statistiques : au cours de leurs neuf ans de formation 40 % n’ont jamais reçu d’enseignement sur la création d’un cabinet, 34% sur la gestion du cabinet, 31 % sur la fiscalité du médecin et 28 % sur les institutions de santé. Pour l’ISNAR-IMG, ce manque pourrait expliquer en partie le délai d’installation après l’internat qui interroge tant leurs aînés. 78,9 % des internes n’ont pas de projet d’installation, et 55 % souhaitent obtenir le statut de remplaçant à la fin de l’internat. Le report de l’installation peut aussi être relié au temps pris par les internes pour soutenir leur thèse de recherche en médecine générale, puisqu’arrivé au 6e semestre seuls 24,3 % l’avaient fait.
Retards à l’allumage d’autant plus dommageable que, contrairement aux idées reçues, les internes semblent prêts à s’installer là où on a besoin d’eux. Ils ne sont pas hostiles au milieu rural. Du moins, une large majorité (63,3 %) des internes qui ne suivent pas un DESC, donc qui se destinent vraiment à la profession, préféreraient exercer en zones semi-rurales. 11,6 % seraient prêts à tenter les zones rurales et seulement 13,2 % privilégieraient la ville.
Reste qu’avant d’en arriver là, tous souhaitent être encore mieux préparés pour affronter la réalité du quotidien d’un généraliste. Et, de ce point de vue, la situation semble hétérogène selon les facs. « La qualité de la formation est très dépendante de facteurs humains, c’est-à-dire de la volonté et du poids politique de ceux qui composent le département de Médecine Générale dans les différentes villes. On a donc des problèmes de disparités selon les régions », confirme Pierre-Antoine Moinard. Il ne s’étendra pas davantage sur les exemples bons ou moins bons. Et préfère conclure, diplomate, que « globalement, les internes en médecine générale reçoivent une bonne formation, solide ».