Il était encore jeune député socialiste de l'Isère, quasi inconnu du public. En décembre 2013, Olivier Véran dressait un constat cinglant de l'emploi médical temporaire à l'hôpital public dans un rapport assorti de 14 propositions. Une pratique qui coûtait déjà 500 millions d'euros par an aux hôpitaux et qui concernait alors 6 000 médecins. Dix ans plus tôt, ceux-ci étaient 2 535, selon l'Igas.
Aujourd'hui, ce sont près de 20 % des médecins hospitaliers – soit entre 8 000 et 10 000 – qui travailleraient par intermittence, selon François Braun, quatrième ministre de la Santé à s'emparer du problème. La première, Marisol Touraine, avait mis en musique la proposition d'Olivier Véran de plafonner la rémunération des médecins contractuels à l’hôpital, au travers de sa loi de santé adoptée en janvier 2016. Une loi dont les textes d'application seront pris au début du quinquennat suivant. La ministre Agnès Buzyn signe, en novembre 2017, un arrêté qui plafonne à terme la rémunération de 24 heures à 1 170 euros avec des étapes (1 404 euros en 2018 puis 1 287 euros en 2019).
Liste noire
Las, confrontés à des pénuries de personnel médical, les établissements n’arrivent pas toujours à résister aux demandes des intérimaires qui veulent dépasser les plafonds. Le SNMRH, le syndicat des remplaçants, publie en mars 2018, une « liste noire » des hôpitaux, ce qui vaudra à l'organisation une convocation ordinale. En mai 2019, la ministre de la Santé dresse devant le Sénat un constat d'échec avant de relancer la machine à l'automne à l'occasion du plan d'urgence pour l'hôpital. Des contrôles « accrus » sont promis et un régime d'intérim public « très attractif » annoncé. De bonnes intentions balayées par le Covid.
Après la première vague, Olivier Véran, nouveau ministre, promet de s'attaquer au problème. La proposition de loi de Stéphanie Rist, soutenue par le gouvernement, instaure en avril 2021 la faculté pour les directeurs d'ARS de saisir le tribunal administratif lorsqu'ils constatent « l'irrégularité d'actes juridiques conclus par un établissement public de santé avec une entreprise de travail temporaire ». Le comptable public devra rejeter les paiements qui dépassent les plafonds réglementaires de l'intérim. Le texte devait entrer en vigueur le 27 octobre 2021… Mais une semaine avant l'échéance, le ministre plie devant la fronde annoncée des intérimaires et repousse l'échéance « dès que possible en 2022 ». Son successeur, François Braun, cible à son tour, dès sa prise de fonction, les « abus de l'intérim » et promet que la loi sera appliquée au printemps suivant.
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