Les praticiens intérimaires ne seraient pas les mercenaires qu'on dépeint souvent, à en croire une enquête intersyndicale* pilotée par le Dr Éric Le Bihan, vice-président du Snphare, à laquelle a également participé le Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux (SNMRH). Quelque 800 réponses ont été collectées en quelques jours – soit autour de 10 % de la population des intérimaires – essentiellement des urgentistes et des anesthésistes-réanimateurs.
Un quart d'entre eux multiplient les remplacements depuis plus de cinq ans et un cinquième depuis moins d'un an. Seuls 15 % sont recrutés exclusivement via des entreprises d'intérim, 43 % uniquement selon des contrats de gré à gré avec les hôpitaux (42 % utilisant les deux modes de recrutement). Signe de l'extrême fragilité de la situation des établissements, il s'agit de remplacements de durées très courtes et souvent aux mêmes endroits. Le contrat est passé pour une seule journée dans 42 % des cas, pour deux à trois dans 20 %.
Les trois quarts des répondants à l'enquête – dont huit sur dix sont d'anciens praticiens en poste – exercent habituellement dans moins de quatre établissements différents et, sans surprise, surtout dans les petites villes où les CH ont le plus de mal à fidéliser leurs équipes.
Retour envisageable à un poste fixe si…
Selon cette étude, la première motivation des intérimaires ne serait pas financière. Liberté d'emploi du temps, meilleure équilibre vie personnelle-vie professionnelle et maîtrise du temps de travail sont mis en avant par trois quarts des médecins intérimaires avant les revenus (68 %). Sur ces bases, une franche majorité d'entre eux accepterait un plafonnement des rémunérations… mais sur des bases plus élevées : de fait, si seuls 5 % jugent satisfaisante la limitation tarifaire prévue par la loi Rist, 60 % estiment qu'un plafond supérieur serait envisageable. Par exemple, un forfait de 650 euros par jour et 650 euros par nuit de garde est jugé acceptable par 58 % des sondés.
Mais surtout, le retour fixe et permanent à l'hôpital est une option envisageable majoritairement dans ce panel : « très probablement » pour 15 % des intérimaires, « probablement » pour 12 % et « peut-être » pour 31 %. Mais, là encore, pas à n'importe quelles conditions, ce qui suppose clairement des carrières plus attractives pour les PH en poste. Il faudrait d'abord une rémunération du temps de travail additionnel à partir de 40 heures hebdomadaires (58 % des réponses), un dimensionnement adéquat des équipes (52 %), un décompte précis du temps de travail (51 %) et une gouvernance « plus démocratique » (49%).
À la lumière de cette enquête, les syndicats assurent que l'intérim n'est pas synonyme de mercenariat « ou alors en très faible proportion ». En outre, l'intérim médical est jugé « indispensable à la flexibilité dans tous les métiers, et particulièrement indispensable aujourd'hui à la survie de certaines structures, dans certains territoires », plaident-ils. Deux idées centrales sont avancées : la hausse du plafond tarifaire de l'intérim (pour ne pas asphyxier certains territoires) et la revalorisation « en miroir » des rémunérations des praticiens restés sur des postes fixes (ancienneté, PDS, temps de travail additionnel, pénibilité).
*Enquête réalisée en collaboration avec le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi aux autres spécialités (Snphare), Samu urgences de France (SUDF), le Syndicat national des pédiatres des établissements hospitaliers (SNPeH), Action praticiens hôpital (APH), Jeunes médecins, le Syndicat national des jeunes anesthésistes-réanimateurs (SNJAR), l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), le Collectif Santé en danger (CSED) et le Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux (SNMRH).
Article précédent
« Nous sommes à quelques jours de l’explosion du Boeing »
Article suivant
Dix ans d'atermoiements
« Nous sommes à quelques jours de l’explosion du Boeing »
Portrait-robot des intérimaires
Dix ans d'atermoiements
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne