À l'hôpital public, une des leçons positives de la crise a été la formidable réactivité et la créativité des équipes médicales et soignantes qui ont (re)pris le pouvoir dans l'urgence, bousculant les habituelles contraintes paperassières et budgétaires.
« La crise a montré que le temps médical était précieux et devait être tout entier tourné vers le soin, résument le Pr Philippe Juvin et le Dr Mathias Wargon, respectivement chefs du service des urgences de l'Hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP) et de l'hôpital de Saint-Denis, dans une tribune au « Monde » datée du 29 avril. Il faut libérer les médecins des tâches administratives ou de celles qui consistent à rechercher pendant des heures des lits pour leurs patients. Des services de soutien à l'hospitalisation doivent remplir cette tâche 24 heures sur 24 et tous les jours. »
De fait, c'est cette liberté rendue aux équipes soignantes, couplée au système D, qui aura permis de tenir en reconfigurant des services entiers en unités Covid, en doublant le nombre de lits de réa et en organisant en quelques jours seulement de nouveaux parcours adaptés à l'épidémie. Autant d'évolutions impensables auparavant. « Durant cette pandémie, le fonctionnement de l'hôpital a enfin retrouvé une logique et une autonomie médicales, saluent, dans une tribune au « Figaro » datée du 4 mai, 20 médecins hospitaliers, dont les infectiologues Éric Caumes (La Pitié-Salpêtrière) et Karine Lacombe (Saint-Antoine), le pédiatre et patron de la CME de l'AP-HP Rémi Salomon (Necker) et le psychiatre Bernard Granger (Cochin). Le service de soin est redevenu la structure essentielle. Chacun a retrouvé le sens de son métier : les soignants ont soigné et l'administration les a aidés à soigner. » Ces praticiens exhortent le gouvernement à libérer l'hôpital du « fléau bureaucratique », à en finir aussi avec les « demandes inutiles de reporting, codages et autres rapports ! »
Au front dans cette bataille, les équipes médicales ont redécouvert chaque jour les vertus du principe de subsidiarité qui permet à l'échelon du terrain de reprendre la main en situation d'urgence sanitaire, sans attendre les instructions des ARS ou du ministère.
C'est finalement la médicalisation de la gouvernance hospitalière qui est questionnée, sans attendre les travaux promis par le gouvernement. « Cette crise a vu émerger des directeurs médicaux, qui ont su amener les structures à s'adapter à une situation mouvante, là où l'organisation habituelle était paralysante. Ceux-ci doivent être pérennisés », plaident déjà les urgentistes Philippe Juvin et Mathias Wargon, pour qui l'épidémie a eu le mérite de « rappel[er] la vertu des circuits courts de décision ».
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