Ils ont fait leurs études sur les mêmes bancs, exercent parfois à quelques centaines de mètres les uns des autres mais ne se parlent peu ou plus depuis qu'ils ont choisi pour les uns le public, pour les autres le privé. La crise sanitaire a cassé la brisure traditionnelle entre les médecins des hôpitaux et des cliniques qui, sur tout le territoire, ont collaboré avec succès pour prendre en charge tous les patients, Covid ou non. Passé les polémiques sur le retard à l'allumage dans l'appel aux cliniques du Grand-Est et la culture supposée antiprivé de certains hôpitaux publics, les deux secteurs ont opéré des rapprochements intelligents, sans forcément attendre les directives des agences régionales de santé en ce sens. À Aix-en-Provence et Nancy, des praticiens du privé sont allés prêter main-forte aux hospitaliers. À Lorient, les médecins des deux cliniques (une mutualiste, une reprise en 2019 par un groupement de coopération sanitaire original associant les libéraux et l'hôpital) et de l'établissement public de la ville se sont redistribués l'activité spécialité par spécialité et anesthésistes et infirmières spécialisées (IADE) ont fait la navette.
« Les relations public/privé sont très dépendantes des médecins, confirme le Dr Christian-Michel Arnaud, président du Syndicat national des anesthésistes-réanimateurs (SNARF) installé en libéral à Bayonne. Mais dans cette situation, qui implique une dimension humaine, ça aurait été malvenu de défendre son précarré. On s'est tous retrouvés du même côté, dans le même combat. » « À Paris, Lyon, Strasbourg, la crise a accéléré l'intelligence collective et a démontré que la logique territoriale, dont on s'était un peu éloigné, fonctionne, enchérit Jérémie Sécher, président du Syndicat des managers publics de santé (SMPS). Le rapprochement des acteurs a créé des nouvelles habitudes de travail qu'il sera bon, le temps venu, de décliner filière par filière, en neurologie, oncologie et santé mentale ».
Modèle économique oblige, le secteur privé à but non lucratif s'est au global davantage rapproché de l'hôpital public que le privé à but lucratif, essentiellement dans la création de filières de soins de suite et de réadaptation (SSR) post-réanimation. Marie-Sophie Desaulle, présidente de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP),est « optimiste » pour la suite. « Les collaborations préexistantes ont vocation à se renforcer, insiste-t-elle. Ailleurs, la crise sanitaire a permis aux structures et aux médecins de se connaître et de se reconnaître. Il en restera toujours quelque chose. »
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