IL AURA FALLU plus d’un an, deux reports, des débats nourris, et une guerre d’usure…
C’est finalement le 1er décembre 2013 que le fameux contrat d’accès aux soins de modération tarifaire (ou « CAS »), négocié dans le cadre de l’avenant 8 à la convention médicale, est officiellement entré en application, embarquant près de 10 000 praticiens volontaires.
Parmi ces signataires, plus de 7 000 de médecins de secteur II, la « cible » initiale du gouvernement soucieux de réguler les dépassements d’honoraires, mais aussi quelque 2 700 praticiens titrés bloqués en secteur I. Pour la première fois, ces derniers ont trouvé un espace de liberté qui leur était interdit depuis leur choix initial des tarifs opposables.
Obstacles, péripéties et controverse.
Trente-trois ans après le secteur à honoraires libres, l’histoire retiendra la création dans la douleur de ce contrat original « à dépassements maîtrisés » (au maximum 100 % du tarif opposable). Il est censé renforcer l’accès aux soins en régulant les dépassements d’honoraires (les médecins souscripteurs s’engagent à geler leurs propres tarifs sur la durée du contrat) mais aussi en améliorant le niveau de remboursement des patients (grâce à l’alignement de la base sur le secteur I). En échange, les praticiens adhérents bénéficient d’une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales et de l’accès aux majorations et modificateurs de nomenclature jusque-là réservées aux seuls secteurs I.
Mais le chemin a été tortueux entre la signature de l’accord fin 2012, le début du recrutement par les caisses (avril) et l’entrée en vigueur effective du contrat après deux reports successifs (le démarrage était prévu le 1er juillet puis le 1er octobre…).
D’abord parce que, côté syndicats, seule la CSMF s’est mobilisée, aux côtés de l’assurance-maladie, pour faire la promotion de cette option sur le terrain. Le syndicat des médecins libéraux (SML), pourtant signataire de l’avenant 8, a rapidement renié la signature de son ex-président et dénoncé le « piège » du contrat. Pour MG France, ce n’était pas une priorité politique même si nombre d’omnipraticiens de secteur II y ont trouvé un intérêt. Dans les spécialités de bloc opératoire enfin, des organisations bien implantées ont mitraillé le CAS, non sans succès puisque seuls 2 000 praticiens exerçant sur plateaux techniques lourds (chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes) l’ont paraphé, soit le quart des effectifs éligibles dans ces disciplines.
Faute de transparence de la CNAM, la polémique sur les « vrais » chiffres des signataires du contrat et leur secteur d’origine a également freiné l’opération, dès lors qu’il fallait initialement atteindre un tiers des 25 000 praticiens éligibles pour lancer le contrat (un avenant a finalement levé cet obstacle). L’Union française pour une médecine libre (UFML) a même porté ce litige jusqu’au tribunal administratif avant d’être déboutée.
Enfin, l’absence de garanties entourant l’engagement financier des organismes complémentaires (quel niveau de prise en charge des dépassements ?) et le discours ambigu des représentants des cliniques privées ont achevé de compliquer l’affaire.
Modèle hybride.
Qu’importe sans doute les péripéties. La CNAM et le ministère de la Santé n’ont pas boudé leur plaisir début décembre. « Le contrat va s’inscrire dans le paysage des secteurs d’exercice », a assuré au « Quotidien » Frédéric van Roekeghem, directeur général de l’assurance-maladie. Marisol Touraine a salué dans nos colonnes une « belle étape » dans la régulation des dépassements excessifs.
Beaucoup moins enthousiastes, divers observateurs du secteur mais aussi les représentants des usagers de santé (CISS) jurent que ce contrat a manqué sa cible et que le dispositif sera un fiasco. Pour certains, il aggraverait même la situation des patients en autorisant des centaines de praticiens titrés qui étaient jusque-là aux tarifs opposables à accéder à de nouveaux compléments d’honoraires.
La suite de l’histoire reste incertaine. Les adhésions vont-elles se poursuivre à bon rythme sous l’effet du bouche à oreille parmi les praticiens de secteur II, ou plafonner, voire reculer dès lors que le contrat est résiliable chaque année ? Modèle hybride, le CAS coexistera-t-il durablement avec les secteurs I et II ? Sera-t-il ouvert, à terme, à tous les médecins libéraux sans restriction de titres ? Est-ce la première étape vers le secteur d’exercice unique que certains syndicats appellent de leurs vœux ? L’année 2014 devrait apporter un début de réponse.
Article suivant
30 000 médecins ont suivi un DPC en 2013
Le contrat d’accès aux soins embarque 10 000 médecins volontaires
30 000 médecins ont suivi un DPC en 2013
Le praticien territorial de médecine générale a pris son envol
Un an de crispations
Dans les hôpitaux, le retour de la confiance se fait attendre
Vers une ouverture contrôlée des données de santé
Investissement en santé : malgré l’urgence, pourquoi ça coince encore
Suicides de soignants à l’hôpital : Vautrin, Borne et Neuder visés par une plainte, ainsi que l’AP-HP
Opacité tarifaire, pratiques commerciales trompeuses… Les cliniques rappelées à l’ordre par Bercy
Vers un moratoire sur les fermetures des maternités ? Les obstétriciens du Syngof disent non