Cancer du pancréas métastatique

Une recherche active, des axes originaux à l’étude

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Publié le 22/03/2018

En France, le cancer du pancréas a vu son incidence passer de 7 000 à 12 000 par an de 2005 à 2012. Il pourrait devenir la première cause de mortalité par cancer dans les dix prochaines années. Comment a évolué la recherche et où en est-elle ?

En 1997, la gemcitabine, un antimétabolite, améliore un peu la survie (de 3-4 mois à 5-6 mois). « Bien tolérée par des malades fragiles, elle sera validée 14 ans comme traitement standard sur un index de bénéfice clinique développé pour les besoins de l’étude », note le Pr Taieb.

En 2011, une équipe française publie la chimiothérapie agressive Folfirinox (1). Elle augmente la survie sans progression à 6 mois et la survie globale à 12 mois. « C’était impressionnant ! Tous les paramètres doublaient : taux de réponse, survies… », se souvient le Pr Taieb. Mais les indications du Folfirinox ont des limites (âge < 75 ans, bilirubine normale, index de performance proche de 1).

En 2014, la gemcitabine (gem) est associée au nab-paclitaxel (Abraxane), un taxane lié à l’albumine, pour mieux pénétrer le stroma tumoral. Portée par une firme américaine, l’association gemcitabine-nab-paclitaxel fait mieux que la gemcitabine seule (survie sans progression de 5 mois, survie globale de 9 mois). Un peu moins efficace que le Folfirinox, elle peut être prescrite à tout patient.

Aujourd’hui, le Folfirinox est prescrit aux États-Unis ou en Allemagne dans de 20 à 25 % des cas, en France dans 40 % des cas. « L’Abraxane est le premier anticancéreux avec une AMM européenne, dont la prescription en France est très limitée, car financée sur le budget de l’hôpital. D’où une difficulté à participer aux protocoles cliniques avec gem-Abraxane qui pourrait déclasser la France, un des leaders dans le cancer du pancréas », relève le Pr Taieb.

Des stratégies très innovantes à l’étude

L’approche microenvironnementale cherche à pénétrer le stroma tumoral pancréatique fibreux, peu accessible aux lymphocytes et aux chimiothérapies. Après une phase II positive (2), une phase III internationale randomisée (Halo 301) est en cours chez 420 patients dont le stroma tumoral exprime fortement l’acide hyaluronique. Elle évalue l’ajout d’hyaluronidase pégylée (PEGPH20) à une chimiothérapie par gem-nab-paclitaxel. Des résultats d’une phase II avec le Folfirinox sont aussi attendus. Des reformulations tentent de mieux délivrer des chimiothérapies dans la tumeur, par exemple l’irinotécan nanoliposomal (nal-iri, étude Napoli-1 [3]).

Pour optimiser l’immunothérapie, sont étudiées des stratégies de double immunothérapie par vaccin et anti-PD1 ou d’association à une approche microenvironnementale. Car l’immunothérapie seule a échoué (sauf rares tumeurs pancréatiques MSI+).

Autre axe majeur, l’approche métabolique vise à dépriver la tumeur pancréatique en acides aminés essentiels. En France, la biotech Erytech lance une phase III randomisée dans le cancer du pancréas métastatique pour évaluer en 2e ligne thérapeutique la gemcitabine ou Folfox +/- L-asparaginase (Eryaspase) après une étude de phase II positive (Graspanc [4]).

Enfin, dernière approche importante, tenter d’inhiber la division des cellules souches cancéreuses (5). Une étude internationale en cours sur 1 100 patients évalue la napabucacine, un inhibiteur spécifique de Stat 3 (enzyme clé de la mitose). « Les cellules souches tumorales portent le potentiel métastatique ainsi que le potentiel de repopulation d’une niche, et sont les plus résistantes aux anticancéreux », rappelle le Pr Taieb.

D’après un entretien avec le Pr Julien Taieb, oncologue digestif à l’hôpital européen Georges-Pompidou

(1) Conroy T et al, NEJM 2011;364(19):1817-25
(2) Hingorani SR et al, ASCO 2017, abs 4008
(3) Wang-Gillam A et al, Lancet 2016;387(10018):-545-57
(4) Hammet P et al, ESM0 2017, abs. 621PD
(5) Taniguchi H et al., Cancer Sci. 2016;107:1556-1562

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9650