L'homéopathie fait des vagues en Angleterre aussi

Publié le 21/05/2018
Article réservé aux abonnés
HOMEOPATHIE

HOMEOPATHIE
Crédit photo : PHANIE

« Dans le meilleur des cas, l’homéopathie est un placebo, et elle constitue un mésusage de fonds qui pourraient être alloués à des traitements qui marchent. » Non, ces mots ne sont pas tirés de la tribune contre les médecines alternatives dont les auteurs sont aujourd’hui assignés par certains de leurs confrères devant les juridictions ordinales. Ce sont ceux de Simon Stevens, le patron du NHS anglais, annonçant en juillet dernier un plan d’économie sur le médicament qui prévoyait notamment de ne plus inclure l’homéopathie parmi les traitements financés sur fonds publics.

Bien sûr, ce geste a suscité la controverse chez nos voisins britanniques, et les arguments échangés sonneront de manière assez familière aux oreilles françaises. « L’homéopathie est fondée sur des hypothèses improbables », déclarait par exemple dans le Guardian le Pr Edzard Ernst, adversaire de longue date des médecines alternatives outre-Manche. Celui-ci est notamment célèbre pour son conflit larvé avec le prince Charles, fervent défenseur des granules. « L’homéopathie peut avoir de graves conséquences quand elle est utilisée à la place de traitements efficaces, ajoutait le médecin. Il est donc grand temps que le NHS arrête de la financer. »

Un avis majoritaire dans la communauté médicale britannique, bien que certains ne le partagent pas. « Il est difficile de comprendre pourquoi l’accès à l’homéopathie via le NHS devrait être refusé », estimait par exemple dans le Daily Mail le Dr Michael Dixon, président du College of Medicine, une institution liée au prince Charles. « Les économies seraient modestes, ajoutait ce praticien, et à la différence d’autres traitements conventionnels, l’homéopathie est complètement sûre. Elle complète la médecine conventionnelle et dans certains cas, permet de réduire la consommation de médicaments. »

Une bataille judiciaire

Mais sur la question, la comparaison entre la France et le Royaume-Uni ne s’arrête pas à la nature des arguments échangés. En effet, comme chez nous, le conflit entre partisans et adversaires de l’homéopathie se poursuit sur le terrain judiciaire. Il ne s’agit pas ici d’une bataille devant l’équivalent de notre Conseil de l’Ordre, mais devant la Haute Cour de justice. La British Homeopathic Association (BHA), lobby promouvant l’homéopathie au Royaume-Uni, a en effet attaqué devant cette juridiction d’exception de première instance le bien-fondé de la consultation sur laquelle se fondait le NHS pour décider d’arrêter de financer l’homéopathie.

D’après la BBC, l’avocat Richard Clayton, qui représente la BHA, a soutenu devant la Haute Cour que le processus de consultation avait été trop complexe, qu’il était incompréhensible pour « une personne normale » et qu’il était « totalement unilatéral », ne présentant qu’une seule version de la polémique. « Après quatre jours de discussions juridiques longues et détaillées, [le juge] a ajourné les débats pour préparer sa décision », peut-on lire sur le site de la BHA, qui précise que le verdict est attendu « dans les semaines à venir ». Mais quelle que soit la décision, elle ne devrait pas davantage apaiser les débats outre-Manche que ne le feront les décisions ordinales chez nous.

Ces dernières semaines, la twittosphère médicale britannique était en effet aussi agitée que la nôtre, notamment à propos d’une étude publiée dans le Journal of the Royal Society of Medecine. Celle-ci concluait que les médecins prescrivant de l’homéopathie avaient généralement par ailleurs « de faibles performances en ce qui concerne diverses de mesures de qualité des prescriptions ». Pas vraiment de quoi renforcer la confraternité…

Adrien Renaud

Source : Le Quotidien du médecin: 9666