Une discipline en plein essor

L’éveil de l’imagerie post-mortem

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Publié le 11/12/2017
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« L'évolution de la médecine légale du vivant (recherche de dommages corporels après un accident, une agression) a suivi celle de la radiologie. La compréhension des causes et conséquences des dommages corporels chez l'humain vivant s'est affinée, et par exemple l’IRM a progressivement remplacé le scanner pour l’étude du dommage cérébral », souligne le Pr Guillaume Gorincour, radiologue à l'hôpital de la Timone à Marseille. Au contraire, l'imagerie post-mortem ne s'est longtemps appuyée que sur des images de radiographie. Ce n'est que dans les années 1990 qu'un médecin Suisse, Michaël Thali, a utilisé le scanner. « C’est grâce, notamment, au financement d'une veuve dont le corps du mari a été pris en charge par cette équipe, que l'Institut médico-légal de Berne achète un scanner dédié à l'imagerie post-mortem et commence à scanner un grand nombre de corps décédés », relate le Pr Gorincour.

Une préparation pré-autopsique

Par la suite, l'équipe du Dr Thali forme de nombreuses équipes internationales, dont celle du Pr Gorincour, au scanner post-mortem. Cette technique s'est alors développée à Toulouse (vers la fin des années 1990), puis à Marseille en 2008 (équipe du Pr Gorincour). « Nous nous sommes formés au scanner en même temps que nos médecins légistes. Nous les avons sensibilisés à l'intérêt du scanner pré-autopsique : de la même manière que l'on n'opère pas un patient vivant sans disposer d'un scanner ou d'une IRM préalable (lorsque cela est indiqué et possible), on prépare de plus en plus souvent l'autopsie d'une personne décédée dans des conditions suspectes à l’aide d’un scanner », explique le Pr Gorincour.

De fait, si le scanner post-mortem ne remplace pas l'autopsie, il est indispensable pour l'optimiser. De la même façon que le radiologue collabore avec le médecin clinicien pour un patient vivant, il est au service du médecin légiste pour le patient décédé. « Dans une affaire impliquant une personne décédée dans des conditions suspectes, ce que souhaite la justice, c'est d'obtenir le plus de preuves possible. L'imagerie post-mortem en fait partie. Le scanner peut notamment aider le légiste à préciser le trou d'entrée et de sortie d'une balle au niveau d'une tempe. Si tout concorde à dire que le trou d'entrée est à droite chez un gaucher, cela permet de rendre peu plausible la thèse du suicide », note le Pr Gorincour.

Bientôt, IRM et angioscanner

Si à l'hôpital, le scanner est aujourd'hui très utilisé en post-mortem, l'accès à l'IRM est, quant à lui, plus difficile, faute de machines et de financements. L'IRM post-mortem n'est pratiquée, en France, que dans le cadre de protocoles de recherche. « Nous l'utilisons actuellement pour des travaux que nous effectuons sur la mort subite du nourrisson. Par ailleurs, l'angioscanner post-mortem est un des progrès majeurs attendus dans notre discipline », précise le Pr Gorincour.

D'après un entretien avec le Pr Guillaume Gorincour, radiologue, hôpital de la Timone (Marseille)

Hélia Hakimi-Prévôt

Source : Bilan Spécialiste