Prévention des thromboembolies veineuses

L’apixaban chez les malades à risque

Publié le 09/12/2011
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Crédit photo : S TOUBON

LORS D’UNE hospitalisation, certaines situations dans un contexte chirurgical (prothèse de hanche, prothèse de genou, etc.) ou médical (insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire, par exemple) sont associées à un risque élevé de phlébites et d’embolies pulmonaires, y compris dans la période qui suit immédiatement la sortie du milieu hospitalier.

Plusieurs études ont démontré qu’un traitement par une HBPM peut réduire le risque de phlébite et d’embolie pulmonaire lorsqu’il est prescrit pendant la phase hospitalière chez les patients ayant été opérés mais aussi dans un contexte médical. Pour les patients ayant une pathologie médicale, ce sont les études MEDENOX (publiée en 1999), PREVENT (publiée en 2004) et ARTEMIS (publiée en 2008) qui ont établi le bénéfice des HBPM. L’étude EXCLAIM, parue en 2010, ayant évalué l’effet d’un traitement prolongé par HBPM après la sortie de l’hôpital, avait montré que le bénéfice clinique net était annulé par une augmentation du risque d’hémorragie. Cela a conduit à ne pas proposer cette stratégie thérapeutique chez de tels patients. Plus récemment, l’étude MAGELLAN, évaluant un nouvel anticoagulant oral, le rivaroxaban, pendant la période hospitalière et après celle-ci avait abouti aux mêmes conclusions : un bénéfice annulé par le risque hémorragique.

Un traitement par un autre nouvel anticoagulant, l’apixaban, peut-il être supérieur ou au moins non inférieur, à un traitement par HBPM pour prévenir le risque de phlébite lors d’un traitement prolongé au-delà de l’hospitalisation chez des patients ayant une maladie à risque de phlébite ? C’est la question à laquelle a voulu répondre l’étude ADOPT (Apixaban Dosing to Optimize Protection from Thrombosis).

Les patients considérés à risque élevé de phlébite et/ou d’embolie pulmonaire pouvant être enrôlés dans cette étude devaient être âgés d’au moins 40 ans et être hospitalisés pendant au moins 3 jours pour une insuffisance cardiaque, une insuffisance respiratoire, une maladie infectieuse ou inflammatoire ou une maladie rhumatismale aiguë.

Ils étaient alors randomisés pour recevoir, en double aveugle, soit de l’apixaban à raison de 2,5 mg deux fois par jour pendant 30 jours, soit de l’énoxaparine, 0,4 ml en une injection par jour pendant toute la durée de l’hospitalisation et au minimum pendant 6 jours.

Le critère primaire, évalué au trentième jour, était constitué par les décès par thromboembolie veineuse, les embolies pulmonaires fatales ou non, les phlébites profondes symptomatiques ou les phlébites proximales des membres inférieurs, asymptomatiques et détectées par ultrasons.

Le critère principal de sécurité était constitué des hémorragies majeures, des hémorragies non majeures mais cliniquement significatives et de toutes les hémorragies rapportées par les investigateurs.

Davantage d’hémorragies.

Parmi les 6 528 patients randomisés, 4 495 ont pu être évalués complètement, notamment par ultrasons. Parmi ces patients, le taux de survenue d’un événement du critère primaire n’a pas été significativement différent entre les deux groupes : soit 2,71 % dans le groupe apixaban et 3,06 % dans le groupe HBPM (risque relatif : 0,87 ; IC 95 % : 0,62-1,23 ; p = 0,44).

Au trentième jour, l’incidence des hémorragies majeures était de 0,47 % chez les patients ayant reçu l’apixaban et de 0,19 % chez ceux ayant reçu l’HBPM (risque relatif : 2,58 ; IC 95 % : 1,02-7,24 ; p = 0,04).

Un risque thromboembolique qui reste élevé à la sortie.

Une particularité de l’étude est d’avoir montré que les courbes Kaplan-Meier des événements étaient superposées pendant les premiers jours du suivi (c’est-à-dire lorsque les patients des deux groupes comparés recevaient un antithrombotique) et divergeaient ensuite rapidement, témoignant d’un rebond de risque thromboembolique chez les patients chez lesquels l’HBPM était arrêtée. Cependant, malgré un taux d’événements thromboemboliques de 3,06 % à 1 mois dans ce groupe et malgré la divergence nette des courbes lors du suivi, la différence d’incidence des événements entre les groupes n’a pas atteint le seuil de significativité statistique.

Ce résultat est-il le signe d’un manque de puissance de l’essai dans une étude n’ayant totalisé que 130 événements du critère primaire ? Si cet effet pouvait être significatif dans un essai de plus grande puissance ne serait-il pas aussi contrebalancé par l’excès de risque hémorragique ?

Quoi qu’il en soit, la thromboprophylaxie prolongée au-delà de la sortie de l’hôpital n’est pas encore validée chez les patients hospitalisés pour une situation clinique associée à un risque élevé de thrombophlébite précoce.

 Dr F. D.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9056