Même si elle n’est pas officiellement entérinée comme un outil de sevrage, la vape est le moyen le plus utilisé par les fumeurs qui désirent arrêter la cigarette. Ce qui pose à la fois des questions sur son efficacité dans cette indication et sur son innocuité.
La vape, moins risquée que le tabac mais…
Après avoir été soupçonnée au États-Unis d’induire des pneumopathies atypiques, la vape a finalement été disculpée, les Américains ayant conclu à un effet davantage lié à l’usage de liquides « frelatés » qu’à la cigarette électronique en elle-même. Pour autant, le vapotage est-il vraiment sans risque ?
Comme l’a confirmé en janvier 2021 une étude de l’Institut Pasteur, l’aérosol de la vape contient moins de 1 % des substances toxiques retrouvées dans la fumée de cigarette.
Et, en 2019, plusieurs académies américaines ont conclu qu’utiliser la e-cigarette est probablement beaucoup moins dangereux que le tabagisme. Il est néanmoins difficile d’apprécier, « même à court terme, les effets sur la santé des adultes, souligne le Pr Daniel Thomas, vice-président du Comité national contre le tabagisme, car la plupart des vapoteurs adultes sont d’anciens ou actuels fumeurs ».
D’un côté, quelques études montrent que le vapotage peut aggraver l’asthme, la bronchite et la toux. De l’autre, plusieurs études affirment que les fumeurs asthmatiques ou BPCO voient leurs symptômes diminuer avec la e-cigarette. Et un ensemble d’études objectivent une amélioration de la fonction pulmonaire et vasculaire chez les fumeurs convertis à la vape.
Concernant le risque de cancer, les données chez l’homme sont rares mais certaines incitent à suivre les vapoteurs sur le long terme. En laboratoire, des effets nocifs (effets cancérogènes, modification des macrophages voire de certains gènes) ont été décrits, mais dans des conditions expérimentales « extrêmes », et ne peuvent donc pas être extrapolés à l’homme.
Le vapotage peut toutefois induire des effets biologiques mesurables. Selon une étude, présentée en septembre au Congrès européen de pneumologie, les e-cigarettes à base de nicotine produiraient des effets sur l’activité thrombotique et la microcirculation. De plus, « sur le plan cardiovasculaire, à chaque pic de nicotine, on constate des effets sympathomimétiques avec une augmentation relative de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, ainsi qu’un effet vasoconstricteur », rapporte Daniel Thomas.
Le leurre du « vapo-fumage »
Concernant l’intérêt de la vape dans le sevrage, plusieurs sociétés savantes se sont positionnées, à l’instar de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR), la Société francophone de tabacologie (SFT) et la Société de pneumologie de langue française (SPLF), pour qui « la cigarette électronique est probablement une aide efficace pour arrêter de fumer, à condition de l’utiliser de façon transitoire (en l’absence de données précises sur ses effets à long terme) en vue de l’arrêt de la consommation tabagique ».
Les études traitant du sevrage tabagique sont très nombreuses, mais souvent discutables. Dans un essai randomisé, les chercheurs ont constaté près de deux fois plus d’abstinence parmi les vapoteurs (18 %) que sous substituts nicotiniques, mais au prix d’un vapotage au long cours. Une récente revue Cochrane (2021) conclut qu’« il existe des preuves modérées que les cigarettes électroniques avec nicotine augmentent les taux d’abandon par rapport à celles sans nicotine et par rapport à la substitution pharmaceutique ». Une autre méta-analyse a tiré des conclusions proches, mais avec encore moins de certitudes.
Dans ce contexte, la position des autorités sanitaires et sociétés savantes reste de privilégier les méthodes de sevrage approuvées. Et si la vape séduit, « une condition sine qua non est un vapotage exclusif, après une éventuelle phase de vapo-fumage transitoire, relativement courte, souligne le Pr Thomas. Or plus de la moitié des vapoteurs restent des "vapo-fumeurs", avec une fausse illusion de moindre danger ».
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