« J’étais presque votre première patiente. Je me rappelle, à l’époque vous étiez beau garçon. En 45 ans, je ne vous ai jamais fait d’infidélité. » Depuis avril 1972 où elle avait vu pour la première fois le Dr Jean-Paul Hamon, alors remplaçant, Lisette a toujours gardé le généraliste de Clamart (Hauts-de-Seine) comme médecin traitant. Il a soigné toute la famille, mais désormais c’est lui qui se rend chez la patiente, trop âgée pour se déplacer. Pendant le renouvellement de l’ordonnance pour pas moins de 11 médicaments, le généraliste et la vieille dame papotent de la famille, de la floraison des lilas ou du déménagement prochain de Lisette. Comme de vieilles connaissances.
Et justement, en cette matinée, il n’est question que de vieilles connaissances. Avant d’entamer les consultations dans son cabinet à 10 h 30, le Dr Hamon part faire des visites à domicile, auprès de patients de 90 ans en moyenne. « Je les vois pour la plupart depuis plus de 40 ans », souligne le généraliste. La visite à domicile est aujourd’hui incontournable pour continuer à suivre ces patients désormais inaptes à venir jusqu’au cabinet. Elle est aussi un élément essentiel à leur maintien à domicile et pour éviter les hospitalisations.

Au milieu des napperons, murs en lambris, vieux fauteuils et photos de famille, le généraliste doit s’adapter à l’environnement, pour une consultation forcément différente des autres. Quitte à faire avec les moyens du bord. Pour examiner Jeanne, 95 ans, le Dr Hamon demande à son fringant mari de 92 ans de lui ramener une grande cuillère. Pas de dossier informatisé ici, ni même de lecteur de carte Vitale. Tout se fera sur papier, et le généraliste aura dû penser à prendre toutes les informations nécessaires au cabinet avant de partir.
Parfois, le généraliste arrive dans des habitations transformées en lieux de soins. Dans la petite loge du couple des anciens gardiens, le lit médicalisé de Monsieur laisse tout juste la place au fauteuil roulant de Madame. Présente matin et soir, l’infirmière relaye des informations, pas toujours faciles à obtenir. Mais la plus grande embûche pour Jean-Paul Hamon, c’est d’arriver au domicile des patients. « Aujourd’hui, ce sont les vacances scolaires, donc ça va, mais il est souvent très difficile de se garer », explique le président de la FMF.
Idéal pour récolter des infos
Malgré tout, le Dr Hamon n’imagine pas arrêter ces trois à quatre visites quotidiennes, même s’il reconnaît une situation bien différente qu’à ses débuts. « C’était un autre mode d’exercice. Nous visitions tout le monde, des renouvellements de pilule aux fièvres des bébés. Faute de téléphone, les patients se rendaient au cabinet pour prendre rendez-vous. On se déplaçait pour la famille. Je faisais 15 à 20 visites par jour », se remémore-t-il. Aujourd’hui, il ne fait plus que l’indispensable. Lui et ses collègues mettent les points sur les i lorsqu’on les fait se déplacer pour des broutilles. Malgré tout, il se rappelle avec une certaine nostalgie cette période faste en visites : « On découvrait le mode de vie des gens. » Et c’est toujours vrai aujourd’hui.
Investir l’environnement du patient peut aussi permettre de faire mieux passer certains messages qu’au cabinet et d’obtenir des informations. Comme chez Mme R. qui, malgré les dénégations discrètes de l’auxiliaire de vie derrière elle, soutient au Dr Hamon qu’elle ne mange pas trop salé. Les courriers de la Belle-Iloise et le catalogue Picard sur sa table de salle à manger disent autre chose au généraliste. « À moi, ils n’envoient pas de courrier, Mme R., plaisante le Dr Hamon. Il vaut mieux éviter ce genre de boîtes, vous savez. » Et la nonagénaire de jurer qu’on ne l’y prendra plus… jusqu’à la prochaine visite.
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