Déjà très développé aux États-Unis, en Angleterre ou en Allemagne, le disease management, qui repose sur des programmes personnalisés d’accompagnement des patients chroniques s’implante dans l’Hexagone à l’initiative de l’assurance-maladie sous le regard incrédule, voire critique, des médecins.
Sur le papier, l’objectif – double – est louable : il s’agit de favoriser une meilleure prise en charge de leur pathologie par les malades eux-mêmes (grâce à l’éducation thérapeutique, des conseils de prévention, du coaching à distance, une orientation...) mais aussi d’optimiser les coûts en réduisant les complications et les hospitalisations évitables.
Médecin traitant mal informé
Sur le terrain, l’affaire est plus ardue. SOPHIA d’abord (600 000 patients inscrits), PRADO ensuite (programme d’accompagnement du retour à domicile) déjà décliné pour la maternité, l’insuffisance cardiaque ou l’orthopédie : la profession découvre ces sigles et ces plans avec un enthousiasme mesuré. « Les médecins de terrain ont l’impression que ces programmes leur échappent », a résumé à l’unisson de ses confrères le Dr Michel Combier, ancien président des généralistes de la CSMF, lors de la récente université d’été du syndicat.
Les griefs formulés par les praticiens ont été nombreux : médecin traitant « très mal informé du suivi »,« contourné, squizzé » dans PRADO maternité ou orthopédie, sentiment que la Sécu « empiète » dans la relation médecin malade, remise en cause du libre choix, mauvais ciblage des patients accompagnés, Espace Pro « sous-dimensionné », doublons avec d’autres réseaux de soins chroniques... « On passe d’une relation à deux à un ménage à trois [avec la Sécu], observe un généraliste caustique. Dans ce type de relation, il y en a souvent un qui se fait avoir ».
15 millions de patients chroniques
Invitée à expliquer la stratégie de l’assurance-maladie, Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins à la CNAM, s’est défendue de toute volonté d’ingérence dans le colloque singulier. « Il y a des fantasmes mais on ne soigne pas à la place des médecins ! Nous voulons aider le patient à être acteur, à mieux gérer sa pathologie, il y a un enjeu de prévention secondaire, mais toujours en relais des médecins traitants ».
La CNAM revendique des résultats prometteurs pour SOPHIA. Alors que quatre milliards d’euros sont consacrés aux complications du diabète, ce service aurait permis, sur la seule période 2008/2011, d’améliorer les indicateurs (suivis des examens de prévention, surveillance de l’équilibre glycémique...). « Nous avons constaté moins de complications, moins de recours à l’hôpital, assure la directrice déléguée de la CNAM. Entre l’investissement [70 euros par patient et par an] et les économies induites, le programme SOPHIA est déjà équilibré ». Les retours des patients inscrits et des praticiens actifs seraient également positifs. « Les médecins estiment à 78 % que le service relaie bien leurs messages ».
L’objectif affiché est de recruter les patients les plus vulnérables, en rupture de soins. Et côté technique, pour les médecins, une nouvelle version du site Espace pro, sécurisée, est attendue début octobre.
Un peu vite ?
Sur les programmes d’accompagnement du retour à domicile, l’assurance-maladie reconnaît quelques erreurs. « On est allé vite sur PRADO maternité, sans associer beaucoup le médecin traitant. Mais notre objectif n’est pas de nous immiscer, il faut impliquer le médecin traitant le mieux possible », plaide la directrice déléguée de la CNAM. Est-ce le rôle de la CNAM de piloter ces programmes ? « Si nous ne le faisons pas, explique Mathilde Lignot-Leloup, d’autres le feront », comme les complémentaires santé ou les laboratoires.
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