Dix millions d’actes chirurgicaux sont pratiqués chaque année en France. Parmi eux, près de 60 % induisent une douleur post-opératoire d’intensité modérée à sévère. Or « plus l’intensité de cette douleur est sévère et plus longue est la durée des douleurs post-opératoires, plus l’incidence des douleurs post-chirurgicales persistantes (> 3 mois) est élevée », indique le Dr Joël L’hermite (Nîmes). Selon la localisation et la nature de la chirurgie, 10 à 56 % des patients développeront une douleur chronique post-opératoire (DCPO).
Un livre blanc dédié
Afin de braquer les projecteurs sur ce type de douleur trop peu considérée, plusieurs sociétés savantes (dont la SFETD) ont publié un livre blanc. On peut y lire que la DCPO est fréquente avec une incidence d’environ 20-30 % et qu’elle représente 20 % des consultations dans les centres Douleur. « La DCPO, jusqu’à récemment, était une complication non reconnue de la chirurgie, reconnaît le Dr Cyril Rivat (Montpellier). Empêcher les patients de développer des DCPO est désormais considéré comme une priorité en anesthésie et en médecine périopératoire. »
La DCPO affecte toutes les chirurgies et tous les âges de la population. Elle occupe ainsi une place importante dans la liste des pathologies douloureuses chroniques des patients âgés, aux multiples conséquences délétères : souffrance, isolement social et consommation accrue de soins et médicaments, ces derniers pouvant eux-mêmes aggraver le tableau par l’importance et l’incidence de leurs effets indésirables (troubles cognitifs, digestifs, urinaires…).
Certaines interventions même routinières et bien codifiées comportent un risque accru de DCPO. Ainsi, « la cure de hernie inguinale – 130 000 à 150 000 interventions par an en France –, est emblématique du risque de DCPO », explique le Dr Éric Viel (Nîmes), avec une incidence avoisinant 10 % ou plus. Un récent travail rétrospectif portant sur 76 173 patients opérés pour cure de hernie inguinale entre 2001 et 2012 retrouve 14 919 patients porteurs de DCPO, soit près de 20 %.
« Des données précliniques ont montré qu’un acte chirurgical entraîne de profondes modifications au niveau du système nerveux périphérique et central à l’origine des processus de sensibilisation impliquant notamment des interactions neuro-immunes, explique Cyril Rivat. Ces phénomènes de sensibilisation, modulés par des facteurs per-opératoires, renforcent les systèmes de transmission de la douleur, au niveau sensoriel et cognitivo-émotionnel. Cela se traduit par une hypersensibilité à la douleur (allodynies, hyperalgésies, douleurs spontanées) et l’apparition de troubles anxio-dépressifs ; ces derniers pouvant aggraver la plainte douloureuse. »
Une vulnérabilité accrue à long terme
Cette sensibilisation conduirait à une vulnérabilité à très long terme (sensibilisation latente) favorisant le processus de chronicisation de la douleur après chirurgie. En effet, plusieurs études précliniques ont montré qu’un premier évènement nociceptif peut sensibiliser les individus à la douleur de manière plus durable, même après disparition de l’hypersensibilité à la douleur. « Cela signifie que même si la douleur post-opératoire se résorbe chez la plupart des patients, la chirurgie peut les sensibiliser à des stimuli nociceptifs ultérieurs. »
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