Emmanuel Macron a l'habitude d'être sommé par ses adversaires de se conformer à leurs exigences. Il est également coutumier d'une attitude distante qui le rend sourd et muet. Il n'a pas cédé aux objurgations relatives au fait qu'il prend son temps avant de se déclarer candidat. Il ne cèdera sans doute pas à tous ceux qui veulent en découdre avec lui. Voici pourquoi.
Dans les enquêtes d'opinion, M. Macron arrive en tête et dépasse de huit à dix points la première concurrente qui le suit. Cette position remarquable est aussi, du point de vue du rapport de forces, une vulnérabilité. Si aucun des candidats n'est d'accord avec les autres (et cela est vrai de la gauche et de la droite), tous sont d'accord au moins sur un point : ils souhaitent que le président sortant perde cette élection. Un débat réel, avec échanges verbaux, attaques et ripostes, le laisserait seul contre tous. Avant qu'il ne déclare sa candidature, il a déjà été soumis à un tapis de bombes des oppositions. Il feint de les ignorer, mais au cours d'un débat à la télévision, cette unanimité peut ébranler les électeurs qui voteraient pour lui.
La télévision étant encore une découverte récente, aucune loi n'inclut le débat télévisé dans la procédure électorale. Le nombre exact de candidats ne sera connu qu'à la fin du recueil des parrainages, lesquels font eux aussi l'objet d'une polémique dans la mesure où quelques stars de la politique, par exemple Jean-Luc Mélenchon, ont du mal à obtenir leurs 500 parrainages. Mais on peut compter jusqu'à une douzaine au moins de candidats « viables ». Un débat surpeuplé où les interruptions de parole, les gestes de mépris ou de colère, les exclamations se multiplieraient serait une foire d'empoigne. Ou bien le président de la République rejettera la suggestion ou bien il se contentera de dire ce qu'il veut faire pendant un second mandat, sans s'adresser à ses adversaires.
Le quinquennat est une erreur
Les difficultés de cette campagne sont dûs à divers facteurs dont le cumul devient accablant, mais le principal de ces facteurs est la très malheureuse idée de réduire le mandat de deux ans et de faire en sorte que le scrutin présidentiel précède celui des législatives. Contrairement à ce que disent l'extrême droite et l'extrême gauche, il n'est pas indispensable de changer de Constitution. Il suffit d'inverser la chronologie des scrutins. Et il ne faut pas retourner à la proportionnelle car le scrutin majoritaire uninominal à deux tours reste le meilleur instrument pour combattre les extrêmes.
S'il passe le premier tour, ce qui, au regard des sondages, est une hypothèse tout ce qu'il y a de sérieux, M. Macron en revanche n'échappera pas à un grand débat au second tour. Il a déjà montré au cours de son mandat qu'il ne recule jamais devant la discussion, qu'il laisse ses pires ennemis s'exprimer dans un langage parfois méprisant, et qu'il serait d'autant plus ravi de converser avec Valérie Pécresse, Marine Le Pen ou Éric Zemmour qu'il est à peu près certain de les battre. Ils peuvent toujours lui dire, par exemple, qu'il est responsable de notre échec au Mali, il ne lui est pas difficile de rappeler à ses principaux adversaires qu'ils n'ont (heureusement) jamais mis en cause notre intervention militaire au Sahel.
Il est peut-être temps de montrer que le succès de M. Macron est dû essentiellement à la chance certes, mais aussi aux divisions qui ruinent ses adversaires. En 2016, on ne voyait en lui qu'un feu de paille. Hollande renonce, Fillon est poursuivi par la justice, Macron l'emporte. Les grèves incessantes à la SNCF, les gilets jaunes, le Covid, la crise économique et sociale, il surmonte tous les malheurs. L'erreur des autres a été de croire qu'il en sortait néanmoins très affaibli. Pour le moment, ce n'est pas sûr.
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