De sorte que se pose la question : les sondages protègent-ils la démocratie ou la faussent-ils ? Il y a des deux : ils apportent à l'électeur des raisons de s'orienter vers tel ou tel parti, mais en même temps, ils accroissent le rôle joué par l'instinct grégaire. On a quelques raisons de vouloir voler au secours du gagnant, au détriment de ceux qui ont de la peine à obtenir un score honorable. Il s'agit en somme d'une tare de la démocratie, qui présente des inconvénients mais qui, par rapport aux systèmes autocratiques, reste éminemment préférable.
Il ne faut pas croire que les « bons » candidats se réjouissent de bénéficier de leur aura sondagière. Ils craignent, à juste titre, qu'elle accroisse l'abstention. On pense, par exemple, qu'un candidat à 30 % n'a pas besoin de votes au premier tour, et on se dispense de jeter un bulletin dans l'urne. C'est un danger auquel toute personne portée par sa popularité s'estime exposée. C'est ainsi que la campagne progresse, tous les candidats affirmant que les dés ne sont jetés que par le scrutin et qu'il faut impérativement débattre et argumenter jusqu'au 10 avril et au-delà.
L'enquête d'opinion étant une invention relativement récente, les pouvoirs publics ont tenté, mais en vain, de réduire son influence. Il n'y a pas si longtemps, toute publication des résultats était interdite pendant une semaine avant le vote. Cette contrainte a été dénoncée, puis supprimée, au motif que l'électorat ne se laisserait pas influencer, mais sa disparition continue d'alimenter les commentaires négatifs de ceux dont la position stagne au dessous de 5 %.
Ce qui sauve les sondeurs, dont c'est le gagne-pain et qui trouvent toujours d'excellents arguments pour sonder avec acharnement, c'est leur convergence. Elle ne représente en réalité qu'une apparence, jamais une certitude. En 2016, Hillary Clinton devait nécessairement gagner l'élection présidentielle, dès lors que tous les instituts avaient fait d'elle leur favorite. Tous, sauf un qui, sans se laisser impressionner, prévoyait la victoire du challenger. À la sortie des urnes, ce cavalier seul a triomphé et plongé dans le ridicule tous ses concurrents.
Nous, les « pousseurs »
Cela signifie-t-il que la victoire annoncée d'Emmanuel Macron au premier et au second tour ne serait qu'un mirage ? Pour se forger une opinion plus solide, il faut aussi considérer les faits. Comme en 2017, le président candidat dispose d'atouts que n'ont pas ses adversaires : un bilan plus positif qu'on ne le dit, la guerre en Ukraine qui a magnifié son rôle diplomatique, la présidence de l'Union eurpéenne, une baisse du chômage et une vive hausse de la croissance.
Il est en outre indispensable de comprendre un élément important : il faut voter en toute circonstance et à chaque scrutin, à chaque tour. Nous ne pouvons pas compter sur les autres si les autres raisonnent comme nous, parce que cette attitude de Gribouille augmente l'abstention et ruine l'espoir que nourrit chacun d'entre nous. Nous, les électeurs, sommes des pousseurs. Nous poussons le candidat au premier tour, mais aussi au second, puis aux législatives si nous souhaitons lui donner une majorité parlementaire.
C'est l'impératif catégorique de la démocratie. L'abstention casse son fonctionnement, fausse le résultat des sondages et celui du vote. Nous n'avons qu'un devoir, c'est d'aller aux urnes. Et observez combien ce simple geste nous apporte de droits. La retraite, la santé, l'éducation, le pouvoir d'achat, l'emploi dépendent entièrement de notre participation. Ne vous étonnez pas si, n'ayant pas voté, vous assistez à la défaite de votre champion. Il a besoin de votre présence constante et de vos bulletins. C'est le moment d'en parler, car la guerre livrée par la Russie à l'Ukraine n'est pas autre chose qu'un défi lancé par l'arbitraire à la démocratie. Notre colère ne s'adresse pas au peuple russe qui n'a jamais le choix de son candidat, mais à Vladimir Poutine qui fait ce que bon lui semble. Pensez-y : vous êtes un privilégié. Vous, vous avez le choix.
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