Les enquêtes d'opinion ont de vilains défauts. Elles se trompent, parfois en escadrilles, elles pèsent sur le débat public avec des arguments qui risquent d'être invalidés au fil du temps, et, malgré divers échecs, elles continuent à convaincre les lecteurs qui vont bientôt redevenir électeurs. Les Instituts s'efforcent de contrôler avec rigueur les éléments qu'ils reçoivent et sans doute y apportent-ils des corrections dont la légitimité est discutable. Par exemple, la « marge d'erreur » est devenue la principale protection contre l'approximation d'une vérité chiffrée qui ne sera connue qu'après le scrutin.
Cependant, on peut critiquer les sondages de temps en temps mais pas tout le temps. Une enquête d'opinion réalisée un an avant la date du scrutin est infiniment moins crédible qu'une autre, faite deux mois avant. Plus on avance dans le temps, moins de candidats-surprise se déclarent et plus les Instituts sont en mesure, après avoir examiné les méthodes de leurs concurrents, de publier une répartition des suffrages proche de ce qui va se passer dans la réalité. C'est la répétition, chaque mois, de résultats identiques qui peut fournir des nombres crédibles. La persistance du score d'Anne Hidalgo n'a cessé de miner son discours politique, de même qu'une évaluation globale de la popularité de la gauche dans le pays a été chiffrée à un seul quart de l'électorat.
Président-Téfal
Il faut l'admettre : les Républicains se sont réjouis des sondages publiés aussitôt après l'investiture de Valérie Pécresse par le Congrès LR. La présence d'Emmanuel Macron en tête des compétiteurs depuis trois mois laisse penser que cette position ne variera pas dans les deux mois qui viennent. On le compare avec Ronald Reagan, l'ancien président des États-Unis que l'on appelait le président-Téfal parce que sa popularité demeurait très élevée malgré de sérieuses erreurs de gouvernance. Là, dans le cas de Macron, on a prédit des conséquences terribles aux emmerdements dont il veut harceler les non-vaccinés ; mais, en réalité, il n'a pas perdu une seule intention de vote, il en a même gagné.
Celui que le succès de Valérie Pécresse devait emporter la maintient sans effort et largement au-dessous des 20 % et contrainte à se battre avec Marine Le Pen pour le point qui lui permettrait de franchir le cap du second tour. Mais, pas de chance, elle perdrait au second tour, avec plusieurs points d'écart. Observez la situation : le peuple ne voulait pas d'un duel entre Macron et le Pen et pourtant, aujourd'hui, on s'achemine vers ce scénario, M. Zemmour n'ayant pas réussi à écarter Marine et Mme Pécresse se heurtant durement au Téfal.
On dira ce qu'on voudra du président sortant, mais il y a quelques vérités à respecter. M. Macron est en très bonne position ; Mme Pécresse n'a que très peu de temps pour changer le rapport de forces ; la gauche ne s'unira pas cette fois-ci ; la candidature de Christiane Taubira ne modifiera pas le tableau ; et, si aucun des candidats de la droite ou de l'extrême droite ne se retire, c'est encore M. Macron qui tirera son épingle du jeu. Il est encore temps, pour LR, de faire le bilan d'une stratégie entièrement concentrée sur Macron, alors qu'elle est dévorée par le RN. Non seulement, le parti de Mme Le Pen, au delà de ses efforts pour décrédibiliser Éric Zemmour, reste une menace pour la démocratie française, mais LR s'efforce plus de l'imiter que de le combattre. Ce qui fait du président de la République le seul candidat (avec Mme Hidalgo et M. Jadot) engagé dans la défense des principes démocratiques. Le seul qui ne veuille pas démolir nos institutions pour accéder au pouvoir. Si c'est un sucroît de démocratie que vous exigez, pas besoin d'aller chercher plus loin.
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