Le couple exécutif doit se battre sur deux fronts

Publié le 27/05/2022
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Au lendemain de la présidentielle et à la veille des élections législatives, le gouvernement doit se battre sur deux fronts : il a besoin d'une majorité pour faire adopter ses nouveaux projets de loi et préparer les textes auparavant. La longue séquence électorale qui a commencé le 10 avril et ne se terminera que le 19 juin va freiner le processus. Pour le moment, la réélection d'Emmanuel Macron conforte le pouvoir et lui permet de piloter les élections dans le sens de ses intérêts.
Pap N'Diaye, Jean-Michel Blanquer et Sarah El Haïry (Secrétaire d'État à la jeunesse)

Pap N'Diaye, Jean-Michel Blanquer et Sarah El Haïry (Secrétaire d'État à la jeunesse)
Crédit photo : AFP

Ceux qui n'ont cessé d'exprimer leur hostilité à un remake de la présidentielle de 2017 n'ont plus de raison de se plaindre, sinon de la victoire de M. Macron. Mais l'Assemblée qui sortira des urnes le 19 juin ne ressemblera nullement à celle de 2017. Le Rassemblement national et surtout, la Nupes, coalition de la gauche, auront un nombre de sièges beaucoup plus élevé. C'est un fait avec lequel l'exécutif doit compter : son action politique sera constamment freinée par les critiques de l'opposition, celle de droite comme celle de gauche. En revanche, la formation d'une majorité présidentielle absolue n'est pas sujette à discussion, même si Jean-Luc Mélenchon affirme, avec son culot habituel, qu'il l'emportera et forcera Macron à le désigner Premier ministre.

Les instituts d'opinion ne se sont pas trompés sur la réélection du président de la République. On peut donc en déduire qu'ils ne se trompent pas quand ils lui accordent une majorité absolue. C'est là que le temps électoral ne joue pas en faveur du pouvoir : les trois semaines qui séparent la nomination d'Élisabeth Borne du deuxième tour des législatives peuvent produire des accidents de parcours dans un contexte politique qui reste tendu, avec ses polémiques incessantes et cet effort permanent des extrêmes pour délégitimer le président.

Macron n'a pas le choix

On en prendra pour preuve la nomination de Pap N'Diaye au ministère de l'Éducation. C'est sans précédent. Il n'avait pas mis les pieds dans ses locaux qu'il était dénoncé comme « indigéniste » et  « racialiste » par Marine Le Pen. Pure forfaiture dès lors que M. N'Diaye n'a pas encore dit le moindre mot sur son programme. Loin d'entrer dans le vulgaire débat auquel le convie Mme Le Pen, il s'est simplement présenté comme le pur produit de la la méritocratie républicaine. Ceux qui le soutiennent ont défendu la diversité française et rappelé que même au Rassemblement national, il y a des gens qui portent des noms à consonance étrangère.

En revanche, la présence de M. N'Diaye au gouvernement est une initiative propre à rééquilibrer sa composition. C'est aussi une manœuvre extraordinairement habile (cynique, dira l'opposition) pour montrer à l'électorat que le spectre idéologique du gouvernement est le plus large possible. Une large fraction des électeurs se pose la question : faut-il voter à gauche et rendre chaotique la gestion du pays, ou faut-il donner sa chance au nouvel exécutif ? En tout cas, Jean-Luc Mélenchon, dans un moment de sincérité, n'a pas osé critiquer le choix de Pap N'Diaye. Il a reconnu la qualité du geste.

Quoi qu'il en soit, le président n'a pas le choix : il doit mener de front la campagne des élections législatives et commencer à rassurer les Français sur le pouvoir d'achat, la revalorisation des retraites et le climat avant même de soumettre ses textes à une Assemblée élue. Bien entendu, et comme l'exige tout processus démocratique, n'importe quoi peut arriver avant le 19 juin, y compris un miracle en faveur de M. Mélenchon. Mais il vaut mieux parler du vraisemblable que de l'imprévisible. Il faut garder une poire pour la soif et donc faire le seul choix qui nous garantisse que nous n'allons pas ajouter au chaos du monde celui d'une nation que le climat, la précarité économique et la guerre ont déboussolée. 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin