Les rapports entre Moscou et l'Occident sont passés d'un dialogue diplomatique dépourvu de tout résultat à une confrontation qui peine à se cantonner aux armes classiques et contient donc un élément particulièrement dangereux parce que le régime de Moscou est totalement imprévisible. Les meilleurs spécialistes ont tenté de définir des lignes rouges à ne pas franchir mais Vladimir Poutine n'en a cure, de sorte qu'il a autorisé ou souhaité des exactions et des crimes de guerre qui ont incité l'Ouest à accorder à l'armée ukrainienne une quantité d'armes utiles et efficaces. Dire aujourd'hui qu'Américains et Européens se sont rapprochés de la co-belligérance, alors que les Russes s'obstinent à bombarder des civils et à violer des femmes relève de la complaisance pure et simple envers Moscou.
Non que le risque d'un recours à l'arme nucléaire par Poutine ne représente pas un danger réel. S'il finit par le faire, la responsabilité collective de l'Occident sera immense. S'il ne le fait pas, parce que lui aussi, pas moins que ses adversaires, craint une guerre mondiale, c'est que son bluff aura échoué. La vérité n'est pas dans les lignes rouges à ne pas franchir. Elle se situe dans la réaction apathique de l'OTAN quand la Russie a occupé l'Ukraine et une partie du Donbass. Les sanctions économiques n'ont produit qu'un résultat : elles ont convaincu les Russes que la conquête de toute l'Ukraine se passerait de la même manière.
Si puissant que soit Poutine, si imperméable qu'il soit à l'avis contraire, et s'il peut se comporter en Ukraine comme une sorte d'Attila satisfait de la politique de la terre brûlée, il n'avait pas les moyens de lancer contre l'Ukraine un raid fulgurant. Grâce aux armements qu'a reçus Volodymyr Zelinsky, son pays a infligé des pertes considérables à l'envahisseur et a stabilisé le front. La guerre risque de durer longtemps, mais au point de désorganisaton de l'armée russe, il n'est pas impossible que Poutine essuie une défaite retentissante.
Les voyous ne sont pas fous
Soit une victoire immense de l'Ukraine, un renforcement sensible de l'OTAN, un affaiblissement durable de Poutine, sinon sa disparition politique, et un nouveau rapport de forces entre l'Ouest et l'Est qui, s'il ne sombre pas dans une guerre nucléaire, fera réfléchir à la fois les détenteurs d'une arme à ne jamais utiliser et tous les régimes totalitaires du monde, de l'Iran au Vénézuéla, en passant par la Turquie et d'autres. Le défi est à la mesure du risque, mais il n'est pas interdit de croire qu'en l'absence de tout usage, l'arme nucléaire deviendra un jour démodée, ou plutôt inutile et encombrante. Par exemple, on ne voit pas pourquoi l'Iran veut avoir une force de frappe qui assurerait sa vitrification et on constate que la Corée du Nord n'obtient rien à faire voler des fusées capables de transporter des ogives au-dessus du Japon.
L'élément irrationel qu'introduisent dans les relations internationales des dirigeants à caractère imprévisible indique que ce problème aussi peut être géré. La prétendue « folie » du dictateur nord-coréen n'a fait que braquer son sur son État « voyou » les lanceurs américains. Il peut bien faire voler ses armes sur le Pacifique, il sait que son pays sera réduit en cendres s'il s'avise de faire exploser un engin nucléaire à l'extérieur de ses frontières.
Est-ce que ce genre de confrontation conduit à la négociation ? Il ne peut en être autrement, malgré les risques de dérapage qui sont de nature irréversible. Ce n'est pas la peine de dire constamment que Poutine ne connaît que le langage de la force si on ne lui fait pas savoir que, si un jour, il utilise la bombe, le lendemain il sera mort, et son pays avec lui. La grande révélation de l'épisode ukrainien, c'est que l'armée russe ne fait plus peur. Et si, sur le terrain, elle semble désorganisée, qui nous dit qu'elle sera infaillible dans une guerre nucléaire ?
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