M. Mélenchon célèbre son triomphe de manière tonitruante en insistant sur sa capacité à obtenir dès le mois de juin la majorité absolue et s'imposer comme le choix unique d'Emmanuel Macron pour le poste de Premier ministre. C'est faux pour deux raisons : d'une part, même si Ensemble, le nouveau nom de la majorité présidentielle, est minoritaire, le président de la République n'est pas obligé de désigner M. Mélenchon et peut s'adresser à une autre personnalité de gauche ; d'autre part, rien n'indique que le président va perdre les élections législatives.
On constate en effet qu'Ensemble attire une bonne partie des Républicains, un parti qui va faire cavalier seul lors des législatives, ce qui est une manière de perdre tout espoir de participer à la vie politique pour les cinq ans qui viennent ; et que la percée de la gauche commence à inquiéter sérieusement les électeurs de droite. De même que des socialistes se sont prononcés en faveur de Macron pour le second tour, de même ils répugnent à servir de tremplin à la France insoumise. Le danger que représenterait l'hégémonie de la France insoumise en ces temps troublés n'est pas moins grand, en effet, que celui qu'incarne l'extrême droite, soudain paralysée par la disparition momentanée de Marine Le Pen, sans doute sonnée par sa lourde défaite et obligée de prendre du recul.
Pour la majorité présidentielle, cette séquence électorale se déroule en deux temps. D'abord, il lui fallait se débarrasser de l'extrême droite à la présidentielle ; ensuite elle doit vaincre l'extrême gauche aux législatives. Mais les scores affichés par les extrêmes se traduiront nécessairement par des gains importants de députés ; il n'est pas impossible que le RN ait en définitive une bonne trentaine de députés et LFI aussi. C'est le nouveau paysage politique, le centre ayant fondu dans le vaste mouvement d'Ensemble, grand parti ni de droite ni de gauche, conformément aux vœux de M. Macron, qui continue à jouer le rôle qu'il s'est assigné depuis cinq ans, être le rempart contre l'avènement d'un parti populiste, anti-européen, autoritaire et illibéral.
Les artistes du mensonge
Mélenchon a raison de dire qu'il a fait ce qui n'a jamais été fait auparavant par la gauche, une unité non seulement sous la forme d'un programme commun, mais aussi sur la répartition des sièges à l'Assemblée nationale. C'est une victoire historique, mais qui peut être illusoire, dans la mesure où elle ne changerait pas le rapport de forces avec la majorité présidentielle. Comme toujours avec les démagogues, Mélenchon est ses amis continuent à répandre l'illusion de leur victoire aux législatives, qui est infiniment plus lointaine qu'ils ne le prétendent. Pour achever leur dessein, ils ont repris l'argumentation de type trumpiste, à savoir que l'élection de Macron est factice et que, une fois encore, le président n'est pas légitime.
C'est un raisonnement tenu depuis cinq ans par ces artistes du mensonge. Quand Macron est désigné par les urnes, il n'en est pas pour autant élu. Il a affaire à une opposition si puissante que son mandat en sera empoisonné : vous avez aimé les gilets jaunes et la pandémie, vous adorerez une France impuissante, dont l'action politique serait bloquée par une Assemblée houleuse qui, elle, aura l'avantage de représenter le peuple.
Il n'y a plus qu'à prendre les paris. M. Mélenchon n'a pas peur de mouiller sa chemise, ni de se livrer à une manipulation en demandant à l'électorat de l'élire Premier ministre, lequel, comme chacun sait, n'est pas élu mais désigné par le chef de l'État. Quand on dit à Manon Aubry, grande prêtresse de LFI, que la gauche doit obtenir la majorité avant de gouverner, elle répond à l'envers, en insistant sur la volonté de LFI de changer la constitution. Bref, un raisonnement qui part du résultat pour justifier une manœuvre douteuse. Macron gouvernera et devra obtenir des avancées s'il souhaite que les extrêmes finissent pas s'affaiblir.
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