Indiscutablement, Éric Zemmour, avec 14 % des intentions de vote, a raflé en quelques semaines la moitié de l'électorat de Mme Le Pen. C'est l'exploit qui résulte de sa surenchère destinée sans doute à lui ravir le leadership de l'extrême droite mais qui l'a tout de même dédiabolisée en élargissant l'adhésion populaire au RN. C'est la première contradiction de la campagne, il y en a d'autres. Marine Le Pen est personnellement affaiblie au moment où les thèses de l'extrême droite n'ont jamais été aussi approuvées. Le Pen et Zemmour ont juré de maintenir leur candidature, alors que, de toute évidence, il leur suffirait d'unir leurs forces pour avoir la certitude se retrouver au second tour. Le maintien de leur présence dans la course n'est rien d'autre que l'aveu d'une ambition égoïste. M. Zemmour, en tout cas, est dévoré par cette ambition, il frappe fort contre Mme Le Pen pour réduire la distance de trois ou quatre points avec elle.
Il reçoit beaucoup de soutiens, de transferts de personnalités, et bénéficie de « trahisons » du RN et de LR. Il voit dans cette subite transhumance la preuve de sa supériorité et n'entend pas renoncer à un tour de force qui l'a conduit si près du but. Il peut donc être à la fois le nouvel oriflamme de l'extrême droite et son fossoyeur. Voilà. On parle de l'extrême droite, et depuis longtemps, comme si c'était un parti politique aussi respectable que les autres. Elle est partout dans le pays. Misère ou gloire, elle occupe une place de choix. Pour tous les démocrates, c'est humiliant qu'elle soit parvenue à ce stade. Elle ne sera pas mise en déroute par une autre tendance, mais par ses propres divisions.
Une Républicaine pure et dure
Elle imprègne le paysage politique. Elle a contraint Valérie Pécresse, entourée par les Ciotti, Retailleau, Wauquiez, à durcir son programme, sans qu'elle semble se douter des responsabilités qu'elle prend en s'aliénant, sans trop y réfléchir, une partie de la majorité silencieuse. S'il est vrai qu'elle a pris soin de passer un accord avec divers centristes dont l'UDI, elle a abandonné l'espoir de ramener Édouard Philippe et ses amis dans le giron des Républicains. Le pire, c'est que, en quelques semaines, elle a choisi d'être une républicaine pure et dure, au détriment de ce qu'elle pouvait avoir de démocrate.
En observant de loin, on pourrait dire qu'il n'y a plus de place pour une majorité présidentielle. Mais en y regardant de plus près, on s'aperçoit qu'Emmanuel Macron a dominé le scrutin depuis le début de l'été. Certes, Mme Pécresse ne désespère pas de se retrouver au second tour et de bénéficier des suffrages de l'extrême droite, soudain orpheline. Encore faut-il que Marine Le Pen lui en laisse le loisir. Or elles sont au coude-à-coude, chacune des deux pouvant battre l'autre, Valérie Pécresse ayant l'avantage supplémentaire d'être présidentiable.
Les Français n'ont pas cessé de faire savoir qu'ils détesteraient la réédition d'un second tour Macron-Le Pen. Ils n'ont jamais dit qu'ils voulaient avoir un ou une candidate au second tour capable de battre Macron. Le tableau général est donc celui d'une extrême droite divisée mais tentaculaire et, hélas, présente dans la fibre française, d'une gauche prostrée, d'une droite prête à tout pour gagner et d'un président sortant dont on a dit un peu trop vite qu'il n'est plus le maître des horloges.
Emmanuel Macron est le seul, en vérité, parce que c'est sa vocation et le sens de son combat, à empêcher la prise de l'Élysée par Le Pen ou Zemmour. Mme Pécresse a déjà prouvé qu'en ralliant ceux de LR dont les idées sont voisines de celles du RN, elle est en mesure de satisfaire au moins une grosse partie de l'électorat d'extrême droite. L'idée que les Français auraient tous une arrière-pensée d'extrême droite est fausse. Ils sont plus mécontents du pouvoir d'achat que de l'immigration. Le point essentiel du débat, c'est qu'il faut faire la guerre à l'extrême droite sous toutes ses formes. En 2017, LR a refusé d'autoriser ses électeurs à voter au second tour pour Macron. On a tout dit.
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